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Wifredo Lam

Il ne faut pas chercher de textes explicatifs comme on en trouve souvent sur les murs des expositions. « Ils polluent », dit Catherine David, directrice adjointe du Centre Pompidou et organisatrice de l’exposition. Des vitrines, ponctuant le parcours, fournissent heureusement une documentation riche et variée. Et il faut surtout oublier les poncifs : Wifredo Lam n’est pas un Afro-hispanique pur jus, ni un imitateur de Picasso, pas plus qu’il n’est Surréaliste.

On peut alors s’immerger sans préjugés dans l’œuvre poétique, érotique (foison de seins et fesses opulents) et symbolique de Lam (1902 Cuba - 1982 Paris), véritable melting pot de cultures, tant par son ascendance – chinois par son père, africain et hispanique par sa mère – que par ses itinérances en Europe et aux Amériques qui marquent la chronologie du parcours de l’exposition.

Après son enfance cubaine, Lam s’installe en Espagne où il se forme au contact du surréalisme catalan, de l’art espagnol classique et des œuvres de Matisse qu’il découvre dans des livres et catalogues. Ses premières toiles sont figuratives. Parti pour la France en 1938, il se lie avec Picasso, découvre les masques africains. Son imagination libérée se traduit par ses premières figures simplifiées aux visages de masque (La Famille I, 1938). Pour obtenir une plus grande transparence des couleurs, il peint sur papier marouflé sur toile. De retour à Cuba en1941, il explore une société qui lui apparait miséreuse, raciste et corrompue et peint l’une de ses œuvres principales, La Jungla, 1943.Dans une ambiance tropicale – les bleus, les verts, les jaunes explosent –co-existent nature, formes syncrétiques et visages de dieux afro-caribéens. Dès 1952, Lam s’installe de nouveau à Paris, fréquente les artistes de CoBrA. Ses aplats de couleur couvrent de larges surfaces, ses formes s’épurent, les symboles se font récurrents : quel est le sens de ces pointes acérées qui volent sur les toiles ? La peinture fait de plus en plus place à la gravure.
À l’automne de sa vie, Lam est séduit par la céramique, technique hasardeuse soumise aux aléas des cuissons, et des réactions des couleurs aux hautes températures. Il produira plusieurs centaines d’œuvres, réminiscences de ses œuvres peintes ou gravées.

Lors de son premier séjour français, Lam s’était lié avec André Breton, premier des amis-poètes dont il illustrera les œuvres au fil des années : Césaire, René Char, et Pieyre de Mandiargues, entre autres. L’un de ces ouvrages clôt l’exposition, le somptueux Apostroph’Apocalypse du poète roumain Ghérasim Luca, exposé dans son intégralité et dont on ne sait ce qui l’emporte du texte, des illustrations de Lam ou de la typographie !

On n’avait pas beaucoup vu Lam depuis l’exposition consacrée par la RMN à sa rencontre avec Aimé Césaire en 2011. On découvre ici un artiste complexe, marqué par ses origines, que l’on qualifierait aujourd’hui de “mid-Atlantic”, tellement il fut influencé par ses lieux de vie et ses rencontres dans le Nouveau et l’Ancien Monde ; un artiste chez qui sensualité, érotisme (Le Présent éternel, 1944) ou ésotérisme ne sont pas absents ; un artiste aussi poète avec son pinceau ou son burin que ses amis poètes avec leur plume. Un enchantement.

Elisabeth Hopkins

 Catalogue, sous la direction de Catherine David, 234 pages.

Visuels page expo : Wifredo Lam, La Jungla, 1943. The Museum of Modern Art NY, 2015. Digital Image The Museum of Modern Art NY Scala Floren.
W. Lam, Les Noces, 1947. Staatliche Museen zu Berlin Nationalgalerie photo Jorg P Anders © Adagp, Paris 2015.
Wifredo Lam, Cuba, 1956, photo Jesse A Fernandez, Collection France Mazin fernandez.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 30 septembre 2015 au 15 février 2016
Centre Pompidou - Paris 4e
Tous les jours de 11h à 21h
Sauf le mardi
www.centrepompidou.fr