Laurent CHEHERE - Photographe

Les maisons volantes

Laurent Chéhère voyage à travers le monde, et dans Paris aussi avec une prédilection pour les quartiers populaires, notamment celui où il est né en 1972, Ménilmontant. Façon Amélie Poulain, cet ancien publicitaire devenu photographe, l’explore avec un regard plein de tendresse et de poésie, et la loupe d’un entomologiste.
De son intérêt pour l’architecture, l’habitat humain et son histoire en général est né Flying houses en 2012 ; un travail sériel qu’il poursuit toujours en 2016. Avec l’imaginaire d’un Jules Verne et le surréalisme d’un Albert Robida, bien loin d’un inventaire rigoureux et systématique, Laurent Chéhère, a « arraché » des maisons à leur environnement, les a transformées en sujet unique, les a mises à nu en plein ciel, révélant leur beauté ou leur noirceur, leur drame ou leur comédie, leur réalité ou leur onirisme. Et tout à coup, ces maisons sont sorties de l’anonymat et nous racontent des histoires et des vies. La leur, avec ses stigmates : fissures dans les murs, graffiti, peintures écaillées, fenêtres murées. Celle de leurs habitants, avec leurs rêves et leurs espoirs que l’on imagine au travers d’indices : linge aux fenêtres, fleurs au balcon, antenne sur le toit, rideaux aux fenêtres, etc.

Mais le plus souvent, Laurent Chéhère nous entraîne dans sa propre lecture du monde, en « construisant » les maisons de son imaginaire et de ses révoltes. Le photographe joue alors avec l’art du photomontage, puisant dans les centaines d’éléments qu’il a photographiés et archivés (toits, fenêtres, gouttières, cheminées, personnages, graffitis, plaque de rue, etc…), les ingrédients de ce qui va devenir : Caravane, un réquisitoire contre les préjugés, le racisme et l’expulsion des gens du voyage ou Grande illusion, une métaphore de l’immigration africaine, de ses espoirs et de ses illusions. Dans cette photographie, on y voit des migrants qui voguent vers un immeuble parisien sis rue de l’Espérance, aussi insalubre et surpeuplé que leur radeau de la Méduse. Comme une planche de BD, Le linge qui sèche raconte les pérégrinations d’un immeuble qui est parti faire sécher son linge loin du quartier de La Chapelle où il n’était plus le bienvenu. Ballon rouge est un clin d’œil au film tourné à Ménilmontant en 1956 par le cinéaste français Albert Lamorisse ; un conte plein de charme et de poésie autour du vieux Paris. La série consacrée à Paris et ses quartiers cosmopolites est d’ailleurs remplie de références cinématographiques (de Carné à Miyazaki, en passant par Fellini et Wenders), même si beaucoup de ces maisons témoignent surtout d’une réalité contemporaine alarmante : le mal-logement.

Dans ses photographies, toujours tirées en très grand format, 120x120 cm, pour permettent une double lecture, de loin et au plus près des détails, Laurent Chéhère a essayé de mettre pleins ingrédients : la comédie, le drame, la poésie, la noirceur, le rire et les larmes... entremêlés. « Je donne quelques clés », dit-il, « mais ces maisons qui volent restent ouvertes à l’interprétation, c’est finalement l’observateur qui fera son propre chemin ».

Catherine Rigollet (mars-avril 2016)

Photos des œuvres : ©Laurent Chéhère
Portrait de Laurent Chéhère : © Olivier Verdon

Le Ballon rouge

Le Ballon rouge

Le linge qui sèche

Le linge qui sèche

La Grande illusion

La Grande illusion

La Grande illusion-détail1

La Grande illusion-détail1

La Grande illusion-détail2

La Grande illusion-détail2

Fire

Fire

A vendre

A vendre

Le petit journal

Le petit journal

Le petit journal-détail

Le petit journal-détail

Trace au mur

Trace au mur

Laurent Chéhère

Laurent Chéhère