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De bruit et de fureur. Bourdelle, sculpteur et photographe

Quelle puissance et quelle expressivité ! Combien de sculpteurs peuvent prétendre à de telles exclamations emphatiques ? Certes les sculptures d’Antoine Bourdelle (1861-1929) sont le plus souvent monumentales, qu’il s’agisse de son poignant Centaure mourant (1911-1914), son œuvre la plus émouvante, de l’imposant Monument au Général Alvear (1914-1926) ou du Grand Serpent (1925), mais il n’hésite pas non plus à façonner des corps outrés, des membres disproportionnés, des figures porteuses d’une rage de l’expression, autant de caractéristiques engendrant force et dramaturgie.

Cette fougue créatrice et cette audace formelle sont déjà en germe dans le Monument aux Morts, aux Combattants et Serviteurs du Tarn-et-Garonne de 1870-1871. Destiné à Montauban, sa ville natale, où il est inauguré le 14 septembre 1902, ce monument funéraire, dont Bourdelle a reçu commande en 1895, est constitué de quatre personnages (La France, le Grand Guerrier, le Dragon cuirassier et le Guerrier mourant), un assemblage de figures guerrières, de têtes hurlantes et de corps nus aux muscles saillants, gonflés de testostérone, évoquant tout à la fois les horreurs de la guerre, l’espoir d’une revanche et la naissance de la IIIe République. Une œuvre allégorique et saisissante qui signe, à l’âge de 34 ans, le tournant de la carrière de Bourdelle.

Mais Bourdelle n’est pas qu’un immense sculpteur, c’est aussi un excellent photographe. Afin de documenté son monument, d’en conserver la mémoire et d’en faire la promotion, il va prendre des centaines de clichés tout au long de sa réalisation, jouant aussi avec l’ombre et la lumière à la façon des pictorialistes tel Alfred Stieglitz. Bourdelle se fait aussi prendre en photo, parfois torse nu, dans des mises en scène très étudiées : juché dans le plâtre des Combattants, allongé au pied des Combattants, accoudé à la figure de La France, etc. Il est tantôt assoupi, tantôt mélancolique, allusions à son épuisement ou aux difficultés rencontrées avec les commanditaires.

Ce qui est passionnant dans cette exposition, c’est précisément cette mise en parallèle des sculptures et des photographies du Monument aux Morts, aux Combattants et Serviteurs du Tarn-et-Garonne, et le regard que Bourdelle porte sur son œuvre qui, avant de partir à Montauban, n’a été exposée à Paris qu’une seule fois, en 1902, lors du Salon de la Société nationale des beaux-arts.

Grâce aux 130 photographies et 60 sculptures présentées, on pénètre un peu dans l’intimité de la création de Bourdelle, on suit pas à pas son « work in progress ».
On ne manquera pas de poursuivre la visite dans le musée Bourdelle, de flâner dans les jardins truffés de sculptures, de visiter l’atelier de Bourdelle –resté dans son jus- et son petit appartement -récemment rénové- où sont exposés ses meubles, ses collections personnelles et plusieurs de ses peintures.

Catherine Rigollet

Visuels : Antoine Bourdelle, études de têtes de guerriers, vers 1898. Vue de l’exposition. ©Photo L’Agora des Arts.
Antoine Bourdelle, Guerrier allongé au glaive, vers 1898. Vue de l’exposition. ©Photo L’Agora des Arts.
Anonyme, Bourdelle accoudé à la figure de la France du Monument des Combattants, 1901. Positif d’après négatif en nitrate de cellulose, 22,5 × 15,3 cm. Paris, musée Bourdelle, MBPV.2021 © Musée Bourdelle / Roger Viollet.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 27 octobre 2016 au 29 janvier 2017
Musée Bourdelle
18, rue Antoine Bourdelle – 75015 Paris
Du mardi au dimanche
De 10h à 18h
Tél. 01 49 54 73 73
www.bourdelle.paris.fr