Des Fauves aux Cubistes, la collection Pierre et Denise Lévy

Belle histoire que celle du musée d’art moderne de Troyes, spécialement créé en 1982 pour abriter la seule collection de Pierre et Denise Lévy. Léguée à l’État en 1975, c’est l’une des plus importantes collections données aux musées nationaux depuis la Seconde Guerre mondiale. Pierre et Denise Lévy avaient mis comme condition qu’elle soit exposée dans la ville de Troyes où Pierre Lévy (1907-2002) s’était installé en 1927 pour travailler dans l’usine textile de ses beaux-parents, qui devint sous sa direction l’empire industriel Devanlay & Recoing.

Rassemblée durant près de quarante ans, la collection des Lévy s’étend du milieu du 19e siècle à la fin des années 1960, embrassant un siècle d’art français et quelques-unes de ses étapes fondamentales. Elle est riche de près de 2000 œuvres : 337 peintures, 1277 dessins, 104 sculptures, auxquels s’ajoutent 157 objets d’art et 81 objets d’art africain traditionnel (art du Bénin, art Mossi, art Baoulé, arts Fang et Mangbetu), dont certaines pièces ont appartenu à des artistes comme Derain ou à des grands marchands comme Ambroise Vollard.

Abrité dans l’ancien palais épiscopal, qui jouxte la cathédrale gothique Saint Pierre-Saint Paul, le musée, dont l’aménagement a su équilibrer l’architecture ancienne et des éléments contemporains, est un bel écrin pour l’ensemble de la collection Lévy faite d’amour de l’art, de coups de cœur, d’une grande cohérence et de flair en matière de choix, en totale indépendance à l’égard des modes.
Presque exclusivement centrée sur la peinture française des XIXe et XXe siècles, elle démarre avec quelques Courbet, Degas, Gauguin, Seurat, Bonnard, Vuillard, mais oublie très vite impressionnistes et nabis pour faire la part belle au fauvisme avec des toiles de Derain, Vlaminck, Van Dongen, Braque, Marquet, Friez, Chabaud, Dufy, Matisse, dont certaines ont figuré à l’exposition Le Fauvisme ou l’Épreuve du Feu du Musée d’Art Moderne de Paris en 1999-2000. André Derain, très proche des Lévy en dépit de son voyage à Berlin en 1941, a été soutenu par le couple, jusqu’à la fin de sa vie. Ils lui ont acheté de nombreuses œuvres, des peintures (Port de Collioure, Hyde Park, etc.), et des sculptures (Femme au menton). Les Lévy ont également réuni des œuvres de la génération des artistes de l’entre-deux guerres dont Roger de la Fresnaye, puis ils se sont intéressés aux peintres de l’École de Paris (plusieurs Soutine dont le Lièvre au volet vert), et dans leur sillage au renouveau des arts décoratifs avec André Mare, Louis Sue, Amédée de la Patellière et surtout Maurice Marinot. Né à Troyes et ami intime des Lévy, le peintre Maurice Marinot (1882-1960), qui fut très influant auprès de leur fille Martine (artiste sous le nom de Martine Martine) dans son apprentissage de la peinture, s’est aussi passionné pour la verrerie. À partir de 1923, il souffle ses propres pièces et produit de la verrerie qui s’apparente à de la sculpture. Le musée expose près de 150 de ses créations réalisées avec la technique du verre doublé permettant l’inclusion de bulles dorées, de craquelures de couleur et de décors intercalaires.
Les Lévy appréciaient aussi la sculpture et ont acheté des œuvres de Degas, Maillol, Zadkine, Derain ainsi que le célèbre Fou (1905) de Picasso pour lequel le poète Max Jacob a posé. Leur collection s’est étendue aux cubistes (Manessier, Lanskoy, de Staël, Metzinger) et aux surréalistes (Ernst, Masson), mais ils ont délaissé l’art abstrait, privilégiant toujours le figuratif et trois des genres fondamentaux de l’art : le portrait, la nature morte et le paysage. Leur collection, continue de s’enrichir chaque année de dons et acquisitions, grâce notamment à l’appui de la société des Amis du Musée d’art moderne qui a fêté ses 30 ans en 2012.

Catherine Rigollet

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Collection Pierre et Denise Lévy
Musée d’art moderne
14, place Saint Pierre – 10 000 Troyes
Tél. 03 25 76 26 80
https://www.museesgrandest.org/les-musees/musee-dart-moderne...


-Actualités 2024 : Après six ans de travaux, le musée d’Art moderne de Troyes rouvre ses portes entièrement rénové à ses visiteurs le 16 avril 2024 : un nouveau parcours, des nouvelles salles et un nouveau jardin enrichi de sculptures !


Troyes, cité européenne de la maille, est aussi une « Ville d’art et d’histoire » qui a conservé en son centre un grand nombre de maisons à pans de bois du 16e siècle et un réseau de canaux qui lui confère énormément de charme. Elle possède une dizaine d’églises dont la cathédrale gothique Saint Pierre-Saint Paul riche en vitraux, et plusieurs musées (la Maison de l’outil et de la pensée ouvrière, l’Apothicairerie de l’Hôtel-Dieu, le Musée Saint Loup avec ses collections d’archéologie, de sciences naturelles et d’art ancien, le Musée de Vauluisant avec ses collections liées à l’art troyen et à la bonneterie).
 Troyes dispose d’un Centre d’interprétation du vitrail . L’Aube est en effet le plus riche département de France avec 9000 mètres carrés de verrières, du XIIIe au XIXe siècle, dont plus de 1000 baies du XVIe siècle inscrites aux Monuments historiques. Situé au cœur du vieux Troyes, dans un bâtiment restauré de l’Hôtel-Dieu-le-Comte, ce nouvel espace d’exposition permanent de quelques 150 m2 constitue la première partie d’une Cité du vitrail. Hôtel Dieu le Comte. Quai des Comtes de Champagne - 10000 Troyes. Tél. 03 25 42 52 70. En savoir plus sur la Cité du vitrail.


Visuels :

 André Derain (1880 – 1956), Hyde Park. Huile sur toile, 1906. Donation de Pierre et Denise Lévy aux Musées nationaux, 1975. MNPL 56. Musée d’Art moderne de Troyes.

 Georges Seurat (1859-1891), Les pêcheurs à la ligne, Étude pour la Grande Jatte, 1883, huile sur bois / Inv. MNPL 303 / Donation Pierre et Denise Lévy, 1975.