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Eli Lotar (1905-1969). Rétrospective au Jeu de Paume

Entre documentaire et surréalisme

Sa célèbre série sur les abattoirs de la Villette a fasciné les surréalistes, au premier rang desquels Georges Bataille qui la publia dans sa revue Documents. Curieux de sujets d’une grande diversité, de l’Institut des sourds-muets à l’hôpital des Quinze-Vingt dédié aux malvoyants, en passant par la condition des prostituées parisiennes, le monde du spectacle vivant, les paysages du pourtour méditerranéen ou encore les sites archéologiques en Grèce au début des années 1930... ), Eli Lotar (1905-1969) laisse une œuvre à la fois poétique, documentaire (Isolateur, vers 1930 ; Locomotive, vers 1929) et dans la mouvance du surréalisme (comme cette étrange Punition, 1929), qui concentre (notamment par ses cadrages originaux) toute l’audace, l’inventivité et l’engagement de la période de l’entre-deux-guerres.

Né à Paris dans le 18e arrondissement, Eli Lotar (Eliazar Lotar Teodorescu, fils de Tudor Arghezi, un poète et homme de lettres roumain, et de Constanta Zissu, une enseignante évoluant dans les cercles de l’avant-garde poétique bucarestoise) a passé sa jeunesse à Bucarest avant de revenir à Paris en 1924 où il rencontre Germaine Krull qui le forme à la photographie. Il commence avec des déambulations urbaines dans le Paris en pleine mutation, puis, passionné de littérature, il publie dans des revues d’avant-garde et collabore avec Jacques Prévert, Georges Bataille, Antonin Artaud et Roger Vitrac.

Très tôt, son attirance pour l’univers du cinéma va le conduire à travailler avec des réalisateurs, pour témoigner de la vie moderne et ses répercussions sur la vie quotidienne comme Zuiderzeewerken (1930) de Joris Ivens, mais aussi dénoncer les injustices sociales et la misère, comme Terre sans pain (1933) de Luis Buñuel ; un film documentaire (le seul de Buñuel) qui illustre les conditions de vie déplorables de la région isolée et aride des Hurdes, en Espagne.

Lotar lui-même, après guerre, réalisera un documentaire sur les conditions de vie dans les taudis d’ Aubervilliers (1945) ; un film commandé par Charles Tillon, le maire communiste, qui reçu en 1949 le Grand Prix du film poétique du festival de Knokke-le-Zoute (Belgique), et qu’on peut voir dans l’exposition. Membre actif de l’Association des artistes et des écrivains révolutionnaires comme responsable de la section photographique, Lotar est un artiste politiquement engagé, ouvertement antifasciste. Ses photographies, prises en février 1936, montrant l’effervescence du « Frente Popular » victorieux en Espagne sont un autre exemple de son engagement militant. Il achèvera sa carrière photographique, au début des années 1960, par une collaboration avec le sculpteur Alberto Giacometti, dont il sera le dernier modèle.

Cette exposition qui lui est consacrée est constituée d’une centaine de tirages d’époque. Il s’agit de la première rétrospective depuis celle montrée en 1990 au Centre Pompidou, qui s’est associé au Jeu de Paume pour lui faire profiter de ses archives et du fonds d’atelier du photographe qu’il conserve.

Catherine Rigollet

Visuels : Eli Lotar, Aux abattoirs de la Villette, 1929, épreuve gélatino-argentique d’époque, 22,2 x 16,2 cm, Metropolitan Museum of Art, New York © Eli Lotar. Service presse/Jeu de Paume.
Eli Lotar, Punition, 1929, épreuve gélatino-argentique d’époque, 18,5 x 13 cm, achat grâce au mécénat de Yves Rocher, 2011, ancienne collection Christian Bouqueret, collection Centre Pompidou, Paris, MNAM-CCI © Eli Lotar.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 14 février au 28 mai 2017
Musée du Jeu de Paume
1, place de la Concorde – 75008
Tous les jours, sauf lundi
De 11h à 19h
Nocturne le mardi jusqu’à 21h
Tarif plein : 10€
www.jeudepaume.org