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Eugène Atget. Voir Paris

On sait peu de chose d’Eugène Atget (1857-1927), cette figure atypique et pionnière de la photographie. Originaire de Libourne, d’abord tenté par le théâtre, puis par la peinture, il débute la photographie en 1888 et, vers 1890, commence à réaliser en autodidacte des documents photographiques pour les artistes en quête de sujets d’étude. Il photographie d’abord des paysages et des végétaux. Mais la concurrence est rude. Vers 1897-1898, il entreprend alors de photographier les quartiers anciens de Paris appelés à disparaître peu à peu au fil des grands travaux urbains du baron Haussmann ainsi que les petits métiers condamnés par l’essor des grands magasins. Sa production prolifique d’images (on parle de plus de 8000 clichés de Paris) est encore destinée aux artistes mais aussi aux amoureux du « Vieux Paris ». Les institutions culturelles (Archives, bibliothèques, musées et la toute nouvelle Commission du Vieux Paris) sont aussi intéressées par ces traces précieuses.

Chargé lourdement d’une chambre photographique et de plaques de verre, saisissant souvent ses images au lever du jour, Atget va explorer les rues, quasi-désertes au petit matin (rares sont les habitants sur ses clichés), les devantures de magasins, les cours des immeubles, les lieux pittoresques, les parcs et les monuments, les façades des immeubles, les éléments de décoration des portes, des balustrades, des escaliers…sans oublier la « zone », en périphérie de Paris, ces bidonvilles qui se sont développés dans les faubourgs de Montreuil, Choisy, Ivry et où vit une population précaire, dans des conditions souvent insalubres. Puis il développe, inventorie, classe et vend. Une activité quasi artisanale qu’il va mener pendant une trentaine d’années. Mais au-delà de leur caractère documentaire et de la mélancolie qui s’en dégage pour nous aujourd’hui, ses photographies témoignent d’une grande sensibilité esthétique.

À une époque où certains photographes, en réaction aux évolutions modernes, se lancent dans le pictorialisme en se rapprochant de la peinture avec l’utilisation d’un flou subtil et le recours à des techniques de tirage sophistiquées pour donner du pigment, Atget réalise des images nettes, détaillées, prenant soin du cadrage, de la lumière, des effets atmosphériques, dans des tons proches du sépia.
Ses clichés, publiés de son vivant, ou bien intégrés aux collections topographiques des bibliothèques, ne sont pas accompagnés de son nom : ils sont considérés comme des documents et non comme des œuvres photographiques. Sa reconnaissance doit beaucoup à la jeune photographe Bérénice Abbott, à l’époque assistante de Man Ray. À la mort d’Atget, en 1927, elle achète son fonds d’atelier, des photographies, albums, répertoires et négatifs qu’elle prête pour des expositions et des livres.
Critiques et photographes perçoivent dans ses images de Paris l’annonce de la modernité. Parmi eux, Henri Cartier-Bresson qui cherche à l’imiter dans ses premières images. Mais aussi toute une nouvelle génération de photographes parmi lesquels Walker Evans, Manuel Álvarez Bravo, Bill Brandt. Eugène Atget accède enfin à la notoriété…mais à titre posthume. En 1968, Abbott vend sa collection au Museum of Modern Art de New York qui possède le plus vaste ensemble d’œuvres d’Atget en dehors de Paris.
Mort dans la misère, sa tombe au cimetière de Bagneux aujourd’hui disparu, Atget reste un grand nom de la photographie, éternellement lié au Paris du début du XXe siècle.

Catherine Rigollet

 L’exposition Eugène Atget – Voir Paris présente une sélection d’environ 150 épreuves originales tirées par l’auteur. Elle est organisée par le musée Carnavalet – Histoire de Paris, Paris-Musées et la Fondation Henri Cartier-Bresson.

Visuels : Cabaret de l’Homme armé, 25, rue des Blancs-Manteaux, IVe, septembre 1900. Église Saint-Médard, Ve, 1900-1901.
Fontaine du passage des Singes, 6, rue des Guillemites, Ive, 1911.
Coin de la place Saint-André-des-Arts et de la rue Hautefeuille, VIe, 1912.
© Paris Musées / musée Carnavalet – Histoire de Paris.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 3 juin au 19 septembre 2021
Fondation Henri Cartier-Bresson
79 rue des Archives 75003
Du mardi au dimanche, 11h-19h
Tarif plein : 9€
https://www.henricartierbresson.org/expositions/


À noter que le musée Carnavalet présente Henri Cartier-Bresson : Revoir Paris. Une exposition sur l’importance de Paris dans la vie et l’œuvre du photographe, et qui résonne avec l’exposition Eugène Atget – Voir Paris. Du 15 juin au 31 octobre 2021.