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Fêtes et divertissements à la cour

Divertir pour régner

Voilà une exposition qui tombe à pic avec le calendrier des fêtes de fin d’année ! Ne boudons pas notre plaisir, il n’est pas si fréquent actuellement de parler de divertissements, même si ceux-là n’étaient réservés qu’à l’élite qui fréquentait la cour des rois de France, de Louis XIV à Louis XVI. Pour tous les trois, divertir pour régner semble avoir été un précepte…Et ils ne regardaient pas à la dépense.

Costumes, peintures, gravures, dessins, instruments de chasse et de musique, jeux, carrosses, accessoires de théâtre et documents… accompagnés par des images 3D, traduisent la diversité, l’ingéniosité et le luxe des divertissements proposés à la cour de Versailles. À chacun son décor et sa mise en scène. Honneur à la chasse qui l’emporte sur tous les autres divertissements. Louis XIV, qui bâtit le projet architectural de Versailles autour du relais de chasse de son père Louis XIII, chassait plusieurs fois par semaine. La passion que lui voua Louis XV fut encore plus vive. Le prêt exceptionnel des trois pièces de la tenture des chasses de Louis XV par le palais Pitti à Florence est l’une des œuvres majeures de l’exposition. Les Dianes chasseresses ne sont pas en reste, que l’on voit chevaucher leur monture de façon très sportive comme Marie-Antoinette, dans ce portrait (hagiographique ?) de Louis Auguste Brun, en 1783, la montrant à la chasse à courre, caracolant à califourchon dans une tenue ressemblant fort à un pantalon.
Le carrousel est un autre plaisir équestre, mais cette forme de ballet équestre va disparaître au XVIIIe siècle, les seigneurs de la cour ne pouvant plus assumer les dépenses exorbitantes qu’exige le luxe des costumes, comme en témoignent tableaux, gravures et dessins.

À Versailles, le foisonnement des lieux de scène (en intérieur comme dans les jardins) donne une idée de l’omniprésence et de la brillance des représentations (intimes ou extraordinaires), qu’il s’agisse de théâtre (créé en 1754, le décor du temple de Minerve, le plus ancien décor de théâtre à l’italienne au monde, a été entièrement restauré pour l’exposition), de danse ou de musique (dans le tableau Le thé à l’anglaise au palais du Temple à Paris, en1764, on remarque le jeune Mozart jouant du clavecin, en privé, pour Madame de Pompadour). La famille royale et ses proches pratiquent évidemment la musique (Louis XIV joue du luth et de la guitare, Madame Adélaïde du violon, Marie-Antoinette de la harpe…), et montent aussi sur les planches, en « privé »…Une rare petite gouache prêtée par le musée des Beaux arts du Canada à Ottawa représente Madame de Pompadour jouant Acis et Galatée, sur la scène des Petits Appartements du Roi à Versailles, en 1749.

Les promenades et divertissements d’extérieur rythment aussi la vie de cour en toute saison. On se promène à pied ou en calèche (même les jeunes princes possèdent leur carrosse miniature). Trois lieux sont particulièrement prisés : la Grotte de Téthys avec ses Bains d’Apollon, considérée comme le plus bel endroit de Versailles, le Labyrinthe et ses trente-neuf fontaines, la ménagerie et ses animaux sauvage ; un joyau du parc édifié par Louis le Vau. On joue aussi au jeu de paume et au mail (ancêtre du golf), on glisse sur la neige (étonnant traîneau « au léopard »), on patine sur le grand canal gelé, on pêche ou on canote aux beaux jours. Et puis on rentre jouer en fin d’après-midi. Car le jeu s’immisce partout et revêt toutes les formes : loto, cartes, dés, billard, jeu de la chouette, tric-trac (ancêtre du backgammon), mais aussi cavagnole ou pharaon où l’on peut faire fortune… ou se ruiner, même en trichant ; la tricherie est d’ailleurs endémique.

À Versailles, toutes les fêtes s’achèvent avec des illuminations, des feux d’artifice et surtout des bals ; Louis XIV fut considéré comme le meilleur danseur du royaume. Sous Louis XV, les bals costumés et masqués sont à la mode. Une eau-forte (et son agrandissement animé) représente le grand bal masqué donné à l’occasion du mariage du dauphin avec Marie-Thérèse, infante d’Espagne, le 25 février 1745, dans la grande galerie. Il se raconte que Louis XV se déguisa en if, couvert d’environ deux mille huit cents branches peintes sur vélin, pour s’approcher au plus près de la belle Madame d’Etiolles, future marquise de Pompadour.

On ne sait pas si on s’amusait franchement à la cour, entre respect de l’étiquette pour les rois et les membres de sa famille, rivalités et dépenses ruineuses pour les courtisans, toujours est-il que cette exposition, qui met en scène avec érudition et beaux décors cette riche société du paraître, est très divertissante pour le visiteur. Le catalogue (Gallimard*) constitue un passionnant complément de l’exposition « Fêtes et divertissements à la cour » par ses textes et surtout ses nombreuses illustrations d’œuvres fortes expliquées par des spécialistes des différents domaines. Un beau livre pour se replonger dans les fastes de Versailles.

Catherine Rigollet

Catalogue Gallimard, en coédition avec le château de Versailles. Édition publiée sous la direction d’Élisabeth Caude, Jérôme de La Gorce et Béatrix Saule. 392 pages, 400 illustrations. Sous couverture illustrée, 240 x 280 mm, cartonné. 49,90€

Visuels : Louis Auguste Brun, dit Brun de Versois (1758-1815), Marie-Antoinette à la chasse à courre, 1783. Huile sur toile, H.59 ; L. 64,5 cm. Château de Versailles. Photo L’Agora des Arts
Jean-François de Troy (1679-1752), Le déjeuner de chasse, 1737. Paris, musée du Louvre © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux.
Jean-Marc Nattier (1685-1766), Madame Henriette jouant de la Basse de viole, Huile sur toile, 1754. Versailles. © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Christophe Fouin.
Petite calèche du dauphin Louis Charles de France, futur Louis XVII (1785-1795). Anonyme. Vers 1785-1789. Bois sculpté, peint et doré, bronze ciselé et doré, métal (fer) peint et doré et garniture en cuir rouge (XIXe siècle). Château de Versailles. © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot.
Le Bal des ifs, donné dans la galerie des Glaces en 1745. Détail du décor animé tiré de la gravure en couleurs de Charles Nicolas Cochin conservée au musée du Louvre.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 29 novembre 2016 au 26 mars 2017
Château de Versailles (78)
Tous les jours, sauf lundi, de 9h à 17h30
Fermé 25 décembre et 1er janvier
Avec billet château : 15€ en tarif plein
Tél. 01 30 83 78 00
www.chateauversailles.fr