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Franz West

Trash, subversif, coloré, sarcastique et foisonnant, l’œuvre du très méconnu en France artiste viennois Franz West (1947–2012) en déroutera plus d’un ! Mais cet autodidacte cultivé, écrivain, excellent dessinateur, affichiste, sculpteur, performeur, designer d’œuvres-meubles en métal recyclé d’une réelle inventivité mérite d’être découvert.

Première interrogation à l’entrée de la rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou, et réponse : oui, les bancs en fer recouverts de tapis font bien partie de son œuvre. Il en a même créé 72 (Auditorium, 1992) pour la Documenta de Cassel 1992 qui manquait d’assises. Des canapés qui sont aussi un clin d’œil à celui de Freud. Influencé par la philosophie et la psychanalyse, dès 1974, West créait déjà ses Passtücke, de petites sculptures souvent effectuées en papier mâché, pouvant être manipulées par les observateurs pour révéler leurs névroses. On retrouve son intérêt pour la littérature psychanalytique et philosophique dans d’autres œuvres comme Two to two, 1994, des socles qui soutiennent ses sculptures et qui servent aussi de bibliothèques de livres d’auteurs qu’il admire, d’Albert Camus à Jean-Paul Sartre en passant par Ludwig Wittgenstein, et que les visiteurs peuvent consulter.

Éduqué par une mère cultivée aimant s’entourer d’artistes, Franz West (né Zokan et qui a pris le nom de sa mère en 1980) a grandi dans un quartier populaire de Vienne. Profondément marqué dans son adolescence par les performances artistiques outrageantes et violentes des Actionnistes viennois qu’il critique, il en subit l’influence malgré tout, tout comme celle du pop art des années 1960, et de l’esprit beatnik. Et s’il décide de s’assagir au début des années 1970, de se désintoxiquer des drogues dures et de s’engager en art pour devenir un artiste célèbre, il restera toujours un trublion de l’art. Faire beau ne sera jamais son ambition, lui qui détruit une de ses œuvres si on la trouve belle et qui joue de la laideur devenue attractive, comme son Redundanz, 1986, sculpture en forme de barque, composée de papier mâché réalisé à partir d’annuaires téléphoniques et de magazines. Une matière première bon marché, toujours disponible.

Ce qu’il aime, c’est provoquer et questionner le spectateur, comme avec ses énormes Cool Books dont le titre est un jeu phonétique autour de l’expression italienne buco di culo, « trou du cul » ; des gros poufs en aluminium laqué rose sur lesquels le spectateur est invité à s’asseoir, est-il bien mentionné sur les cartels. Même veine réaliste avec ses sculptures « scato » en forme de gros intestin (Rrose/Drama, 2001) ou à symbolique sexuelle évidente, dont les couleurs alternent les tons criards (rose, jaune vif, rouge violent) aux tons chiasseux (verdâtre ou marron). Une référence au corps et à la sexualité qui innerve d’ailleurs l’ensemble de l’œuvre prolifique de cet artiste qui, loin d’être un électron libre et un solitaire, a beaucoup collaborer avec des plasticiens, mais aussi des musiciens, vidéastes et écrivains. Allant jusqu’à faire peindre ses œuvres par d’autres artistes, comme Eugenia Rochas ou Erwin Wurm.

En partenariat avec le Centre Pompidou, plusieurs musées et institutions du Marais (musée Picasso, musée Cognacq-Jay, Bibliothèque historique de la Ville de Paris) présentent en plein air quelques-unes de ses œuvres monumentales.
En 2011, West s’est vu décerner le prestigieux Lion d’or à la 54e Biennale d’art de Venise, pour l’ensemble de sa carrière. Une belle reconnaissance, un an avant sa mort.

Catherine Rigollet

Visuels : Franz West, Cool Books, 2007, Aluminium laqué. Marco Rossi Collection, Turin. Et en arrière-plan, Lemurenköpfe (Têtes de lémures), 1992. Photo l’Agora des Arts.
Franz West, Ohne Titel, 1990 (Sans titre). Papier mâché, métal, peinture. Filiep & Mimi Libeert Collection. Photo L’Agora des Arts.
Franz West, Gruppe mit Kabinett, 2001 (groupe avec cabinet), papier mâché, gaze, métal, bois, plastique. Centre Pompidou, musée national d’art moderne. Photo L’Agora des Arts.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 12 septembre au 10 décembre 2018
Centre Pompidou
Tous les jours, sauf le mardi, de 11h à 21h
Nocturne le jeudi jusqu’à 23h
Tarif plein : 14 € (expo + musée)
www.centrepompidou.fr