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Gauguin l’alchimiste

Tandis que la rétrospective Paul Gauguin (1848 -1903), De Pont Aven à Tahiti, présentée en 2015 à la Fondation Beyeler suivait l’évolution du peintre, de la Bretagne où il trouva son propre langage pictural, jusqu’à ses derniers jours à Tahiti, ce rêve d’exotisme et de liberté accouché sur des toiles iconiques comme Quand te maries-tu ? (1892), et D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? (1897/98), le Grand Palais étudie en profondeur la complémentarité des créations de Gauguin dans le domaine de la peinture, des arts graphiques et des arts décoratifs. Une première.

Aussi esthétique que pédagogique, cette exposition met bien en évidence l’imbrication et les apports mutuels entre schémas formels et conceptuels, ainsi qu’entre peinture et objets d’art grâce à la mise en scène très réussie de près de 200 œuvres de l’artiste, dont une soixantaine de peintures, 30 céramiques, 30 sculptures et objets en bois, 10 bois gravés, 60 estampes et 35 dessins, qui dialoguent en permanence au fil des salles. Elle ouvre avec ses œuvres encore sous influence impressionniste (comme ce coffret reprenant en partie un motif de ballet de Degas), continue avec son séjour fondateur en Bretagne où il puisa les motifs qui deviendront récurrents dans son œuvre (les femmes surtout), jusqu’à ses dernières œuvres décoratives explorant la nature luxuriante des Tropiques. Sans oublier d’aborder sa fascination pour la mythologie maorie fantasmée qui lui fit glisser des idoles dans ses tableaux, en inventer même, telle cette spectaculaire Oviri (« sauvage »), une déesse primitive que Gauguin représente terrassant un loup (grès, 1894).

Si, hélas, on ne reverra pas dans « Gauguin l’Alchimiste » les deux tableaux iconiques admirés à la Fondation Beyeler, l’exposition parisienne nous offre quelques autres chefs-d’œuvre comme Paysannes bretonnes (Orsay), Les Baigneurs (Hamburger Kunsthalle), Eh quoi ! Tu es jalouse (musée Pouchkine), Dans les vagues (Cleveland Museum of art), Le rêve (Courtauld Gallery, Londres) que Gauguin voyait comme l’une de ses meilleures œuvres…et surtout Noa Noa, voyage de Tahiti. Dans ce journal de voyage écrit par Gauguin à son arrivée en 1891 à Tahiti, il consignait ses impressions, y ajoutant des illustrations. Un manuscrit rare et fragile, collection du musée d’Orsay, et très rarement exposé. Une salle de l’exposition est entièrement dédiée à Noa Noa présentant le manuscrit (également projeté sur grand écran), aux côtés de quelques gravures.

De cette formidable plongée au cœur du processus de création de Gauguin, on sort ébloui par le talent de cet artiste à jongler avec autant de techniques artistiques (peinture, dessin, gravure, sculpture sur bois, céramique, céramique-sculpture, tapisserie, vitraux…), à repousser sans cesse les limites de chacune, à se servir de l’une pour nourrir l’autre.

Une grande exposition qui fera date.

Catherine Rigollet

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 11 octobre 2017 au 22 janvier 2018
Grand Palais
Tous les jours, de 10h à 20h
Nocturne mercredi, vendredi et samedi jusqu’à 22h
Fermé tous les mardis
Tarif plein : 14€
www.grandpalais.fr

 

Visuels : Paul Gauguin, Soyez mystérieuses, 1890. Bois de tilleul partiellement polychrome, traces de crayon de couleur sombre : 73 x 95 x 5 cm. Paris, musée d’Orsay. © Rmn-Grand Palais / Tony Querrec.
Paul Gauguin, Paysannes bretonnes, 1894. Huile sur toile. Paris, musée d’Orsay. Donation de Max et Rosy Kaganovitch. ©L’Agora des Arts.
Paul Gauguin, Le Rêve (Te Rerioa), 1897. Huile sur toile : 95,1 x 130,2 cm. Londres, The Samuel Courtault Trust, The Courtault Gallery. Photo L’Agora des Arts.