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Histoires de voir. Dans le temple de l’art singulier

La fondation Cartier pour l’art contemporain s’est transformée en temple de l’art singulier pour cette foisonnante exposition qui réunit plus de 400 œuvres d’une cinquantaine d’artistes du monde entier, peintres, sculpteurs, dessinateurs et cinéastes. Rivalisant avec d’autres lieux dévolus à l’art brut, telle la Halle Saint-Pierre, elle a convié des artistes brésiliens, indiens, haïtiens, mexicains, européens, japonais, etc. proches de l’art naïf. La plupart sont autodidactes et se sont découverts un jour une âme d’artiste comme le sénégalais Mamadou Cissé, portraitiste amateur dans son enfance et qui, devenu gardien de nuit en France, se mit à dessiner des villes imaginaires pour passer le temps et rester éveillé. Des urbanismes de gratte-ciels qui évoquent, avec plus de sagesse et de géométrie de l’espace, la fièvre de bâtisseur du visionnaire Marcel Storr, récemment exposé au Carré de Baudouin à Paris.
D’autres artistes ont appris à peindre en copiant des tableaux comme le japonais Tadanori Yokoo, ou en s’inspirant de photos comme Gregorio Barrio. Certains sont passés de l’artisanat à l’art. Ainsi la brésilienne Isabel Mendes da Cunha, initiée à la technique de la céramique par sa mère, a progressivement orienté sa production vers la sculpture artistique. Et puis il y a les peintures tribales, comme celles des Warli au nord de Mumbai (Bombay – Inde) qui accompagnent les grands événements comme les mariages ou les récoltes. Après avoir été jusqu’en 1960 l’apanage des femmes, elles sont devenues aussi des réalisations d’hommes. Celles de Jivya Soma Mashe illustrant des scènes de pêche sont peintes avec une telle minutie dans le rendu des mailles du filet qu’elles confinent à de la dentelle. Qu’ils peignent, dessinent, sculptent, modèlent, assemblent et produisent des œuvres très différentes les unes des autres (d’une inégale qualité aussi), quelques éléments les fédèrent toutes : la liberté d’expression, l’exubérance des couleurs, la suprématie du monde animal et de la nature sauvage, l’application voire la méticulosité de la technique, le côté obsessionnel et répétitif des motifs, la pensée magique qui a souvent précédé le geste créatif ou qui l’accompagne. Souvent considérés comme « naïfs », ces artistes parfois reconnus dans leur pays, ont rarement été invités à présenter leurs œuvres dans des institutions dédiées à l’art contemporain. Par leur spontanéité et leur ancrage dans le quotidien des artistes, ces œuvres racontent des bribes d’histoires personnelles que des cartels viennent compléter en évoquant la vie et l’itinéraire artistique de chaque artiste.

Catherine Rigollet

Visuel page expo : Jivya Soma Mashe, Fishnet, 2009. Technique mixte sur toile, 167 x 148 cm
Collection Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris. © Jivya Soma Mashe.Photo © André Morin.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Histoires de voir. Show and Tell
Du 15 mai au 21 octobre 2012
Fondation Cartier pour l’Art Contemporain
Tous les jours, sauf le lundi, de 11h à 20h
Nocturne le mardi jusqu’à 22h
Tarif plein 9,50€
www.fondation.cartier.com

 

 

 Prochaine exposition à la Fondation Cartier : « Yue Minjun, l’ombre du fou rire ». Du 14 novembre 2012 au 17 mars 2013 ?