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I love John Giorno, par Ugo Rondinone

L’un des actes les plus percutants du poète américain John Giorno (né en 1936) est d’avoir souhaité que la poésie se transmettre au plus grand nombre, comme un virus. Cette figure de la scène underground américaine des années 1960 qui fut un proche de William Burroughs, Allen Ginsberg et Brion Gysin ou encore d’Andy Warhol, Jasper Johns et Robert Rauschenberg, dont il porte aujourd’hui l’héritage a donc imaginé qu’en composant un simple numéro de téléphone, son œuvre culte Dial-A-Poem (Composez un poème, 1968) puisse être écoutée gratuitement. Une expérience qui attira rapidement un million d’appels. Elle est rééditée à l’occasion de la rétrospective sur sa vie et son œuvre conçue au Palais de Tokyo par l’artiste suisse Ugo Rondinone (né en 1964), grand admirateur du poète. Appelez gratuitement le numéro vert 0 800 106 106, durant le temps de l’exposition et écoutez poèmes et chansons de divers artistes, comme ce superbe Je suis décadente (la concierge gamberge) de Brigitte Fontaine (1964).

Dans l’exposition, construite en huit chapitres représentant chacun une facette de l’œuvre foisonnante de cet artiste de la contre-culture américaine, on lira avec jubilation des centaines de très courts poèmes et les aphorismes préférés de Giorno (LIFE IS A KILLER – DON’T WAIT FOR ANYTHING – LINVING IN YOUR EYES - I WANT TO CUM IN YOUR HEART - ou encore GOD IS MAN MADE) imprimés à l’échelle de panneaux publicitaires…pour être mieux partagés. Et selon le vœu de Giorno, pour que la poésie rattrape son retard sur la peinture, la sculpture, la danse et la musique et s’impose comme un art à part entière.

Comme ce poète anticonformiste et iconoclaste, souvent sombre, affectionne les fleurs -à sa manière-, on vous citera encore quelques uns de ses très nombreux « aïkus floraux », traduits ici en français : Les fleurs de cerisier sont des lames de rasoirLes chrysanthèmes sont des guirlandes de crânes - Les pavots ont des poches pleines de plaisirs narcotiques - Un grand bouquet d’un millier de roses rouges c’est tous ceux à qui j’ai fait l’amour.

On restera peu de temps face à Sleep, soit Giorno filmé en noir et blanc, en train de dormir durant 5 heures 21 minutes (vous avez bien lu). Une performance réalisée par Wharol en 1963 et dont Pierre Huyghe fit un remake en 1998 (Sleeptalking), avec le même cadrage, mais avec un Giorno ayant vieilli d’une bonne trentaine d’années. Vite ennuyeux.

Poète engagé, performeur, John Giorno est aussi un archiviste fou qui a conservé des milliers de documents papier (coupures de presse, photos, lettres…), réunis dans des classeurs et classés par année. Comme il est impossible de tout lire, chacun se plongera dans l’album de sa propre naissance ou dans une année marquante à ses yeux…

À 80 ans, John Giorno qui parcourait –visiblement satisfait- la rétrospective que lui consacre le Palais de Tokyo, continue d’influencer des artistes et d’essaimer sa poésie radicale. Pendant toute la durée de l’exposition I Love John Giorno, une distribution en rollers de poèmes de Giorno aux visiteurs et passants des alentours réactive sa participation aux performances Street Works, initiées en 1969 dans les rues de New York par un groupe d’artistes et de poètes.

Une exposition à lire...en prenant son temps.

Catherine Rigollet

Visuels : John Giorno et Ugo Rondinone dans l’exposition I love John Giorno. © L’Agora des Arts, 19 octobre 2015.
John Giorno, Don’t wait for anything, 2012. Sérigraphie sur toile, 122 x 122 cm © John Giorno. Courtesy de l’artiste et Almine Rech Gallery.
John Giorno, Living in your eyes, 2015. Acrylique sur toile ; 101.6 x 101.6 cm. Courtesy de l’artiste & Elizabeth Dee, New York. Copyright Etienne Frossard.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 21 octobre 2015 au 10 janvier 2016
Palais de Tokyo
13, avenue du Président Wilson – 75116 Paris
Tous les jours, sauf le mardi, de midi à minuit
Plein tarif : 10€
Tél. 01 81 97 35 88
www.palaisdetokyo.com

 

BON PLAN : Conservez votre billet du Palais de Tokyo et bénéficiez d’un tarif réduit au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (juste en face) du 21 octobre 2015 au 10 janvier 2016.