Keravis, José - Plasticien

Les recyclés

Son atelier ressemble à l’arrière cour d’un ferrailleur ou d’un brocanteur. Touche à tout ingénieux, cet artiste qui expose notamment ses installations au Festival du vent à Calvi depuis 9 ans, est un spécialiste du recyclage et stocke précieusement une foule d’objets hétéroclites en bois, plastique, fer, verre, toile cirée qu’il transforme en œuvres d’art. Serrurier de formation (une passion, toujours intacte, qui évoque celle d’un certain Louis, roi de France), l’homme vénère les outils, ce prolongement de la main jusqu’à fabriquer truelle, scie, marteau et enclume en carton et papier. La résistance des matériaux n’a pas de secret pour lui, c’est pourquoi tout ce qu’il construit tient parfaitement en équilibre, malgré l’apparente fragilité ou instabilité de l’échafaudage. Installateur, sculpteur, peintre, graphiste, José Keravis déploie, avec humilité et sans complainte égocentrique, une activité artistique à la fois éclectique et personnelle. « 

Mes installations deviennent des sculptures parce que les gens mettent ce nom dessus. Pour moi, elles sont une occupation de l’espace, une image. Quand je veux faire l’artiste, je fais de la peinture. Cela vingt-cinq ans que je peins, mais je n’ai pas assez travaillé ». Sa plus grande réussite et ce qui a fait sa notoriété ce sont ses drôles de mises en scène constituées de tables, chaises, fauteuils, commodes, citrons qui ondulent au vent ou émergent des flots, s’y reflétant comme dans un miroir. Ces œuvres éphémères qu’il photographie pour la mémoire et qu’il recompose rarement ou par bribes, constituent des tableaux, des atmosphères qui interpellent le regard, telles ces chaises roses disposées au fil d’un ruisseau semblables à un groupe de flamands prêts à l’envol. Distancié, le regard de Keravis sur le monde est à la fois plein d’humour et de gravité. Mais ses créations, provocantes ou ludiques, sont toujours poétiques et chargées de sens. La pertinence et l’émotion sont d’ailleurs au cœur de son geste artistique. C’est ainsi qu’il a conçu la série Les Zootres, douze immenses personnages en quête de développement durable. Habillées d’emballages alimentaires, gants en caoutchouc, télévision, poêle à frire et autres objets récupérés dans les poubelles de la civilisation, ces sculptures caricaturent nos gestes et nos modes de vie.

Catherine Rigollet (décembre 2007)

Copyright : José Keravis (œuvres) Lionel Pagès (portrait de J. Keravis)
Photo les Zootres (C.R).