KLICLO - Peintre et graveur

Cette peintre plasticienne lutte contre l’oubli et fait jaillir la mémoire et les émotions sur fond de pavés, de fleurs de pissenlits, de montre éclatée, d’une lettre retrouvée…Une œuvre tout en retenue en finesse et en puissance.

De l’absence et du silence, des fantômes qui l’habitent, elle a fait la matière de son œuvre. Un travail de mémoire sur la trace et le résidu. Pour Kliclo, l’art est depuis l’enfance une manière de faire jaillir les émotions, de répondre à la question de la rétention des perceptions, des émotions, des mots, des non-dits, de transmettre. Kliclo c’est son prénom, celui donné par ses parents à sa naissance en 1950, un prénom inédit et poétique qui résonne comme des gouttes de pluie sur les pavés, ou comme le tic tac d’une pendule. Un prénom qu’elle a pourtant souvent du mal à assumer, mais dont elle a fait son nom d’artiste, affirmant ainsi sa filiation et la mémoire de ses ancêtres, notamment ceux disparus lors de la shoah. Pour eux, pour ne pas oublier, elle poursuit sa quête de traces, collectant des bribes de vie : lettre d’un arrière-grand père avant son enfermement dans le ghetto de Varsovie, pavés sur lesquels des êtres encore vivants ont marché, couverts rouillés retrouvés à Birkenau, pellicules de films et toutes ces matières, métalliques et végétales, rouillées et séchées, témoignages de vies. L’artiste découpe, déchire, colle, coud, peint, grave pour fabriquer ce travail de mémoire. Souvent proches de l’abstraction tellement les objets s’évanouissent dans la couleur, ses œuvres gardent toujours un aspect narratif que chacun va lire en fonction de sa propre mémoire.

Après avoir beaucoup utilisé le noir et blanc, Kliclo est venue à la couleur en 2008, dans des tons qui confèrent encore angoisse et nostalgie : brun, ocre, terre de Sienne, vert de gris, bleu nuit. Délaissant –provisoirement- les toiles et les installations, elle s’est jetée récemment dans une production intense de gravures comme mue par l’urgence de faire jaillir le souvenir et les émotions sur le papier. Elle aime ce travail graphique, les accidents d’encrage qui accentuent les lignes, font des tâches, amènent plus vite au tragique. Et l’on pense en regardant ses œuvres aux artistes qui l’ont influencée, comme Tàpies et Egon Schiele. Pourtant, comme une lumière au bout de la nuit, ses deux dernières séries se tournent vers les étoiles. Avec Jupiter et À bout de souffle, Kliclo, tel Anselm Kiefer explorant le cosmos, achève-t-elle enfin son travail de deuil ?

Catherine Rigollet (juillet/août 2010)
Photographies Lionel Pagès