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L’Orient des peintres

La commissaire de l’exposition, Emmanuelle Almiot-Saulnier, a une inébranlable conviction. La nouvelle manière de peindre des orientalistes, leurs formes évoluant vers le plat et le géométrique, ouvrent la voie à la modernité. Pour preuve, deux petits tableaux d’Ingres (une petite odalisque imaginaire) et de Paul Klee (une architecture de Kairouan en Tunisie, « abstractisée » et colorée) accrochés en introduction. Le clou est de nouveau enfoncé en fin de parcours avec trois toiles de Kandinsky judicieusement choisies : Ville arabe, 1905, à l’architecture réaliste et géométrique ; Oriental, 1909, avec des personnages encore reconnaissables dans leur symphonie de couleurs primaires et Peinture avec forme blanche, 1913, une pure abstraction.

Les conquêtes napoléoniennes au début du 19e siècle et le développement des transports facilitent la découverte de l’Orient. Scientifiques, écrivains et artistes débarquent de l’autre côté de la Méditerranée. Ceux qui ne font pas la traversée fantasment sur ce qu’ils auraient pu voir. Ingres n’ira pas plus loin que Rome et son orient est onirique. Sa grande odalisque, peinte en 1814, en a les “vrais” accessoires mais le peintre prend des libertés avec l’anatomie pour atteindre ce qu’il croit être la beauté idéale. Elle est représentée ici par la copie conforme peinte par Jules Flandrin en 1903. Le rival d’Ingres, Eugène Delacroix, a voyagé au Maroc, mais il rêvait déjà de l’Orient en lisant Byron qui l’inspire pour une scandaleuse Mort de Sardanapale que l’on voit ici en esquisse. Théodore Chasseriau connait l’Algérie mais ses toiles orientalisantes, peintes des années plus tard, sont des juxtapositions de scènes mémorisées et de décors imaginés, tout comme Jean-Léon Gérôme qui sillonne l’Orient de la Turquie à l’Algérie à partir des années 1850 et dont les toiles illustrent quelques fantasmes sur fond de carreaux d’Iznik.

La palette des artistes s’éclaircit au fur et à mesure que les scènes sortent des murs. Beiges du désert, bleu du ciel ou de la mer et blanc des architectures se conjuguent pour des épisodes violents sous l’œil d’Eugène Fromentin (Le pays de la soif, entre 1820 et 1876) ou des scènes de fraicheur et de légèreté sous le pinceau de Marquet (Mer calme, Sidi-Bou-Saïd, 1923).
Une belle exposition, qui pourrait enfanter – sujet facile – une illustration de la thématique de l’odalisque d’Ingres à Botero. Mais qui surtout révèle et met en valeur des peintres tombés dans l’oubli (Charles Zacharie Landelle, Paul Alexandre Leroy, Jules Migonney), dont les fantasmes, sinon le talent, égalent ceux des peintres connus.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Théodore Chassériau, Danseuses marocaines. La Danse aux mouchoirs, 1849. Huile sur bois, 32 x 40 cm. Paris, musée du Louvre, département des Peintures, legs du baron Arthur Chassériau, entré au Louvre en 1934. Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado.
Jules-Alexis Muenier, Le Port d’Alger, 1888. Huile sur toile, 46 x 32 cm. Paris, musée d’Orsay, don de D. Schweisguth, 1895. Photo © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 7 mars au 21 juillet 2019
Musée Marmottan-Monet
2, rue Louis-Boilly, Paris 16e
Ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
Fermé le lundi et le 1er mai.
Entrée : 12 €
www.marmottan.fr