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L’âge d’or de la peinture anglaise

Entre 1760 et 1820, la Grande-Bretagne connait un essor artistique et culturel, l’art devient public. Sur le modèle français, l’Angleterre se dote en 1768 d’un cadre institutionnel : la Royal Academy of arts. Quelques artistes bénéficient de commandes royales, le plus grand nombre compose avec une clientèle privée, aristocrates et marchands fortunés. Les portraits restent très demandés. Même si ce n’est pas la « tasse de thé » de nombreux artistes, nécessité financière fait loi. Ainsi, Thomas Gainsborough exécute des portraits par raison, mais peint des paysages par plaisir, recomposant des lieux par l’imagination, en s’aidant parfois de croquis d‘après nature. Un plaisir que l’on perçoit bien dans le Paysage boisé avec un bâtiment (vers 1768-1771), peint dans la lumière du soir, jouant sur un clair-obscur assez fort. Toutefois, dans une quête de symbiose entre le modèle et la nature environnante, Gainsborough se plait à représenter ses modèles, avec le plus de naturel possible comme ce portrait de son neveu, Gainsborough Dupont (vers 1770-1775), ou celui en pied de Lady Bate-Dudley (vers 1787). Quand Joshua Reynolds, son principal rival, bénéficiaire également de commandes royales, s’applique à portraiturer de manière plus flatteuse. Au fil du parcours de l’exposition qui réunit soixante-huit œuvres toutes issues de la Tate à Londres, les portraits, images d’une société prospère, laissent place au spectacle de la nature.

Le paysage a en effet permis à nombre de peintres de s’exprimer plus librement, à l’huile et à l’aquarelle, même si ce médium plein de vitalité (très utilisé par Turner entre autres) n’est guère apprécié par la Royal Academy. Certains artistes, après le traditionnel voyage en Italie, continuent de peindre le paysage classique idéal inspiré par Claude Lorrain, puis se laissent peu à peu aller à l’observation plus attentive de l’atmosphère anglaise. C’est le cas de Richard Wilson (La Tamise près de Marble Hill, Tickenham, vers 1762) ou de John Constable dont trois œuvres sont présentes dans l’exposition, notamment Marlvern Hall, dans le Warwickshire (1809). Si ce tableau s’inscrit dans la tradition des « portraits » de grandes demeures, il porte déjà, avec ces ciels au couchant et ces vols de corbeaux noirs au-dessus des frondaisons les germes du style à venir de cet artiste qui avouait avoir le paysage comme maîtresse, mais n’eut pas avec elle le succès qu’il méritait de son vivant. On aurait souhaité en voir davantage… Même regret face aux seuls quatre petits paysages de Turner (le cinquième étant une peinture d’histoire), surtout quand on connait l’importance du legs Turner fait à la Tate en 1856 qui possède de ce fait la plus grande collection au monde d’œuvres de Turner. Ces formats modestes, contrastent avec les grands paysages à venir de l’artiste, ceux d’une nature sublimée devenue complètement fluide. Mais La Tamise près de Walton Bridges (1805), seul paysage anglais de Turner dans l’exposition témoigne de l’influence sur lui du naturalisme ambiant et nous apprend que ce grand voyageur, monstre de travail (son œuvre compte près de vingt mille œuvres sur papier et quelque trois cents tableaux) et bourru solitaire, aimait la pêche et profitait de ses excursions au bord de l’eau pour dessiner et peindre.
L’exposition se referme sur un sursaut de la peinture d’histoire vers 1780, amené par un nouveau besoin d’effets visuels empreints de dramaturgie ou de fantastique. Dans ce registre, on croise le très expressif Henry Fuseli hanté par Shakespeare, l’illuminé peintre et poète William Blake (juste deux petites œuvres sur papier !) et à nouveau Turner, qui avec sa Destruction de Sodome, 1805 (un tableau qui fait écho à l’actualité des guerres napoléoniennes et au sentiment de chaos qu’elles engendrent), tend à démontrer que la peinture d’histoire est à ses yeux l’égale du paysage.

Catherine Rigollet

Visuels : Thomas Gainsborough, Gainsborough Dupont (neveu du peintre et son seul véritable assistant), vers 1770-1775. Huile sur toile. 45,5 x 37,5 cm. Tate : légué par Lady d’Abernon en 1954. © Tate, London, 2019.
Richard Wilson, La Tamise près de Marble Hill, Twickenham, vers 1762. Huile sur toile, 46,4 x 73 cm. Tate : acheté en 1937 © Tate, London, 2019.
John Constable, Marlvern Hall, dans le Warwickshire, 1809. Huile sur toile, 51,4 x 76,8 cm. Tate : légué par George Salting en 1910. © Tate, London, 2019.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 11 septembre 2019 au 16 février 2020
Musée du Luxembourg
19, rue de Vaugirard – 75006
Tous les jours, de 10h30 à 19h
Nocturne les lundis jusqu’à 22h
Tél. 01 40 13 62 00
Tarif plein : 13 €
www.museeduluxembourg.fr


 Turner est à l’affiche du Musée des Arts – Lucerne (Suisse) avec « Turner. La mer et les Alpes », du 6 juillet au 13 octobre 2019.
 Et en mars 2020 sur les cimaises du musée Jacquemart-André à Paris.