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DANSAEKHWA, l’aventure du monochrome en Corée, des années 70 à nos jours

Dans une passionnante vidéo, Park Seo Bo, dont on voit deux œuvres dans l’exposition, dit qu’il peint pour que les gens puissent se reposer dans ses toiles, loin des images brutales de la quotidienneté. C’est la meilleure approche de cette peinture qui ne doit rien aux concepts, aux techniques occidentales mais qui se ressource à la fois au cœur de la nature avec laquelle les Coréens vivent en symbiose (contrairement au rapport de quasi-domination en Occident) et dans le taoïsme et le bouddhisme. Née après la guerre, cette esthétique, qui fleurit dans les années 70, est basée sur le besoin d’oublier l’académisme, de revenir à une transcendance de l’esprit, a un moyen de méditer, à un abandon du désir. Elle est donc loin des démarches conceptuelles de l’art occidental des mêmes années. Il donc est essentiel, pour nous occidentaux, de prendre le temps de la regarder, de s’y reposer. Le savoir viendra plus tard.

Dansaekhwa déferle depuis quelques mois sur l’Occident. Après une très belle exposition en marge de la Biennale de Venise en 2015, les peintres de cette mouvance (terme que l’on préfèrera à école) picturale coréenne se sont retrouvés sur les cimaises du musée Cernuschi et de la Galerie Perrotin à Paris, et sur celles d’une galerie de Los Angeles.
Une bonne vingtaine de toiles par huit artistes occupent les pièces du premier étage du Domaine de Kerguéhennec. Un artiste par pièce. Des toiles de bonne taille, des techniques variées, des couleurs neutres, noirs, gris, marrons, une matérialité que l’on aimerait expérimenter de la main et pas seulement de l’œil. Park Seo Bo travaille ses faux noirs à l’horizontale, en lignes, sur papier hanji, technique millénaire d’utilisation de la fibre de l’écorce du murier, créant des stries en relief. Ha Chong Yun force la peinture depuis l’envers à travers la trame du tissu de chanvre qui lui sert de toile. Choi Byung So, dont les œuvres sont présentées sur des tables caissons, couvre intégralement des feuilles de papier journal de ratures au stylo bille ou à la mine de plomb, détériorant le papier qui prend alors une apparence d’océan noir. Parmi les artistes de la seconde génération, Lee Kang So peint des calligraphies dansantes, lyriques mais se rattache à Dansaekhwa par sa gamme chromatique grise. On aimerait nommer tous les artistes, expliquer – au grand dam de Olivier Delavallade, directeur du domaine et commissaire – combien, oui, ces peintures sont méditatives ! On regrettera l’absence de Lee Ufan, dont la popularité n’est plus à faire.

Si l’installation de Lee Bae dans la chapelle n’était pas encore visible, dans les écuries, Shim Moon Seup offre une installation basée sur l’équilibre et les déséquilibres des formes et des matériaux, plaidant que “il ne faut pas laisser [la nature] s’exprimer telle quelle, il faut intervenir sur elle et avec elle, mais tout en douceur.” La nature, toujours, inspiratrice, respectée, sculptée.
On repart, serein, touché par cette déposition sur toile d’une philosophie mystérieuse et séduisante. Que l’on est bien au pays du Matin Calme !

Elisabeth Hopkins

Visuels : Lee Kang So, Emptiness 11137, 2011, acrylique sur toile, 130,3x162 cm Collection particulière Photo Illés Sarkantyu.
SHIM Moon Seup, The Presentation, 2015. Pierre, arbuste. Domaine de Kerguéhennec - Photo Stéphane Cuisset.
SHIM Moon Seup, Thoughts on clay, 1991, terre cuite, pierre, 420 x 32 x 390 cm, Domaine de Kerguéhennec photo Stéphane Cuisset.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 6 mars au 5 juin 2016
Domaine de Kerguéhennec
56500 Bignan
Tél. 02 97 60 31 84
Du mercredi au dimanche, de 12h à 18h
Du 26 juin au 18 septembre 2016 :
Tous les jours, 11h-13h et 14h – 19h
Entrée libre
www.kerguehennec.fr