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L’esprit du Bauhaus

Allier tradition et progrès pour repenser et réinventer les modes de vie de la société moderne, et rendre vie à l’habitat au moyen de la synthèse des arts plastiques, de l’artisanat et de l’industrie, telle est l’ambition, « grande et belle » selon les mots de son fondateur l’architecte Walter Gropius, du Bauhaus, prestigieuse école d’enseignement artistique, créée en 1919 à Weimar. Dans son Manifeste, le Bauhaus insiste aussi sur l’importance de « proposer à bas prix des objets pratiques et beaux et des bâtiments équipés jusqu’au moindre détail. »

Dans une élégante et lisible scénographie composée de rotondes, le musée des Arts Décoratifs rend hommage à l’esprit de ce Bauhaus, qui fut tout à la fois un mouvement, un style et une école à travers 900 objets, mobilier, maquettes, dessins, peintures et photos. Pour mieux comprendre son histoire, l’exposition ouvre sur les précurseurs du Bauhaus : artistes de l’Art Nouveau, du mouvement des Arts and Crafts britanniques, des utopies viennoises et même du sublime gothique, précurseur de l’œuvre d’art totale.

Puis suivent toutes les étapes du cursus des étudiants dans les différents ateliers qui existaient au sein de l’école : textile, photo, métal, menuiserie, peinture sur verre, sculpture, céramique...et même théâtre. Et l’architecture dans tout cela ? Raison d’être de l’enseignement du Bauhaus (de bauen/construire et de haus/maison), martelée en ces termes par Gropius : « le but ultime de toute activité plastique est l’édifice ! », l’architecture ne bénéficiera toutefois d’un département qu’à partir de 1927, à Dessau. Est-ce une raison pour expliquer le peu de place qui lui est faite dans l’exposition ? Un regret.

À l’instar du compagnonnage au Moyen Âge, le Bauhaus fonctionne comme une communauté, l’enseignement est délivré par des maîtres, les élèves s’appellent des apprentis et peuvent devenir compagnons. Artistes de l’avant-garde et artisans enseignent et supervisent ensemble les ateliers, comme par exemple Paul Klee pour la théorie artistique, Marcel Breuer pour le mobilier (Tables gigognes en bois et acier tubulaire, 1928), Marianne Brandt pour le métal (Théière et passe-thé en argent et ébène, vers 1924) ou Wassily Kandinsky pour la peinture murale. En 1923, Gropius organise la première exposition du Bauhaus. Le retentissement de cette exposition est considérable et propage les idées et les œuvres produites.

Toutefois, la vie au sein du Bauhaus est émaillée de querelles entre peintres et architectes, expressionnistes et constructivistes, mystiques et rationalistes, militants socialistes et tenants de l’apolitisme « La force du Bauhaus, souligne Anne Monier, co-commissaire de l’exposition, est aussi d’avoir laissé ces différentes vues s’exprimer et coexister ». L’important est de faire vivre l’esprit de liberté, d’invention, de création et de transmission de l’école. Qu’elle reste ouverte à toutes les tendances avant-gardistes de l’époque.

L’engagement politique du Bauhaus commence à suscité de plus en plus de critiques. Il entre bientôt dans une tourmente accentuée par le contexte d’une Allemagne exsangue et de la montée du nazisme. Face aux difficultés matérielles et politiques, il déménage de Weimar à Dessau en 1925. L’architecte suisse Hannes Meyer remplace Gropius à la direction en 1927, il sera renvoyé pour ses idées socialistes en 1930. Dernier directeur du Bauhaus nommé en 1930, l’architecte Ludwig Mies van der Rohe déménage à nouveau l’école en 1932, cette fois à Berlin, avant de se résoudre à la fermer en 1933. Dans la foulée, certains de ses membres émigrent.

Si la passionnante et tumultueuse aventure a hélas pris fin, l’esprit du Bauhaus n’est pas mort. Pour témoigner de sa vivacité et des suites possibles, encore aujourd’hui, l’exposition se clôt par des œuvres contemporaines d’artistes, designers, plasticiens, créateurs de mode, réunies par l’artiste Mathieu Mercier.

Catherine Rigollet

Visuels : Josef Albers, Tables gigognes, 1927. Placage de frêne, noir laqué, verre peint. ©The Josef and Anni Albers Foudation, VG Bild-Kunst, Bonn.
Ruth Consemuller, Tapisserie, 1926. Laine tissée © Bauhaus-Universität Weimar, Archiv der Moderne.
Vue de l’exposition ©D.R.
Herbert Bayer, Carte postale pour l’exposition Bauhaus, 1923. Lithographie. Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Droits réservés.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 19 octobre 2016 au 22 janvier 2017
Musée des Arts décoratifs
107, rue de Rivoli – 75001 Paris
Du mardi au dimanche de 11h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
Tél. 01 44 55 57 50
www.lesartsdecoratifs.fr