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La vie moderne…Au goût amer... à la Biennale de Lyon 2016

Moderne. Un mot un rien désuet, un brin ironique, qui englobe tant de choses, est mis à toutes les sauces, rappelle une vieille querelle avec les Anciens, et dont on ne sait finalement s’il parle d’un temps révolu ou inachevé. C’est au newyorkais Ralph Rugoff, actuel directeur de la Hayward Gallery à Londres que Thierry Raspail, directeur artistique de la Biennale d’art contemporain de Lyon, a confié la périlleuse mission de concocter la programmation de cette 13e édition sous le signe de Moderne, « un présent hanté par le passé ».

La Biennale qui se tient principalement à la Sucrière et au MAC (ainsi que dans la salle 15 du musée des Confluences), réunit une soixantaine d’artistes de 28 pays (dont beaucoup de jeunes et une douzaine d’artistes français) qui parlent de la vie d’aujourd’hui. Une sélection judicieusement resserrée et de très nombreuses œuvres créées spécialement pour la Biennale, souvent en lien avec l’univers urbain, celui de Lyon en particulier comme Ahmet Öğüt (Turquie), inspiré par deux épisodes de l’histoire lyonnaise, l’invention du cinéma par les frères Lumière et l’industrie textile, qui a installé trois machines à coudre qui tiennent lieu de socle à des visionneuses ; le visiteur étant invité à pédaler vite pour voir les images d’un remake de La Sortie de l’usine Lumière tourné à Lyon en 1895.

À la Sucrière, comme au MAC, les installations et les vidéos dominent cette édition 2015. Si la réponse à la question de la modernité y reste en suspend -les artistes n’ayant pas pour mission de fournir des réponses-, leurs visions et leurs interprétations touchant à différents thèmes de la vie moderne (l’économie, l’environnement, la consommation, l’altérité, l’immigration…) témoignent ici d’un certain désarroi et d’une rébellion face au monde d’aujourd’hui. Ils nous le font partager sans dogmatisme, mais de manière très physique, avec toute la force de leurs émotions, de leur ironie parfois et de leur inventivité.

Ainsi le chinois Liu Wei et son Enigma, austère labyrinthe dans lequel le visiteur est invité à se perdre comme dans une mégalopole sans repères. Alex Da Corte (États-Unis) et son angoissante salle culturiste plongée dans une lumière bleue, dominée par la projection vidéo d’un athlète tournoyant figé torse bombé et bras en croix sur ses anneaux (Taut Eye Tau). Fabien Giraud & Raphaël Siboni (France) et leur vidéo esthétisante et dramatique qui évoque –entre autres- les effets de l’automatisation du travail par les métiers à tisser Jacquard. Yuan Goang-Ming (Taïwan) et ses baigneurs d’une plage de South Bay (Taipei) dominée par une centrale nucléaire sur laquelle plane le drame de Fukushima (Landscape of energy – stillness, 2014). Andra Ursuta (Roumanie) et ses deux sculptures en marbre grandeur nature représentant des femmes Rom parées de colliers faits de pièces jaunes sans valeur (Commerce Extérieur Mondial Sentimental, 2012). Michel Blazy (France) et ses jardins miniatures poussant dans des baskets comme des témoins fragiles et éphémères de la nature. Mike Nelson et ses pneus crevés et éclatés, vestiges de l’« autoroute du soleil » qui traverse Lyon et rebuts de la modernité érigés comme des trophées. George Osodi (Nigéria) et ses photographies d’animaux paissant au milieu des ordures (Oil Rich Niger Delta). Ou encore Klaus Weber et Emergency Blanket, 2015), couverture de survie enveloppant un corps. SDF, réfugié, accidenté ? Marcel Duchamp le disait déjà à sa manière et Ralph Rugoff le souligne : « le spectateur fabrique 50% de l’œuvre en la regardant ».

Catherine Rigollet

Visuels : Klaus Weber, Emergency Blanket, 2015 (photo C.R)
Nelson Mike, A7 route du soleil, 2015, Courtesy de la Biennale de Lyon 2015 © Blaise Adilon.
Blazy Michel, Pull Over Time, 2015, Courtesy de Art Concept et de la Biennale de Lyon 2015 © Blaise Adilon.

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Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 10 septembre 2015 au 3 janvier 2016
Tout le programme sur www.biennaledelyon.com

 

 Bien sûr comme chaque édition, la Biennale essaime dans tout l’espace de la Métropole de Lyon avec des expositions (comme Anish Kapoor chez les pères dominicains du couvent de La Tourette), des résidences d’artistes, des performances, des conférences, etc.

 

 Anish Kapoor, qui se remet (mal) des insultes qui défigurent l’une de ses œuvres au Château de Versailles, a trouvé refuge chez les pères dominicains du couvent de La Tourette, non loin de Lyon. Dans ce lieu de sérénité, construit par Le Corbusier il y a un peu plus d’un demi-siècle, il a installé 13 œuvres choisies dans ses réserves et utilisant ses media favoris : cire, pigments, inox, acier à effet de miroir. On les trouve dans le réfectoire aussi bien que dans la salle capitulaire. Visites l’après-midi jusqu’au 3 janvier 2016. www.couventdelatourette.fr (E.H)