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Le siècle de François 1er

Il avait une âme guerrière, des rêves de grandeur, un cœur de mécène, une volonté de bâtisseur, le goût des plaisirs, un nez fort long et une barbe qu’il laissa pousser après avoir été blessé au visage en janvier 1521 à Romorantin.
C’est en guerrier que François 1er, le victorieux à Marignan en 1515, accueille le visiteur de la passionnante exposition qui a pour ambition de raconter comment ce tout jeune roi, battu dix ans plus tard à Pavie par Charles Quint et qui jamais ne devint empereur du Saint Empire romain germanique, prit sa revanche en devenant ami des arts et protecteur des lettres, au cœur du XVIe siècle qui fut celui des grandes découvertes géographiques et savantes, du développement de l’imprimerie.

Sur le modèle du mécénat de Florence et influencé par les goûts italiens, François 1er s’intéresse à la peinture (s’entourant de Léonard de Vinci, du Primatice), à la sculpture, à la gravure, à l’architecture et surtout à tout ce qui touche à la lecture et au livre ; un penchant hérité de sa mère Louise de Savoie, grande bibliophile. C’est d’ailleurs le livre qui est au cœur de cette exposition qui réunit dans la salle du Jeu de Paume de Chantilly une exceptionnelle sélection des Livres du Roi issue du Cabinet des Livres de Chantilly, seconde collection d’ouvrages ayant appartenu à François 1er, après celle de la Bibliothèque nationale de France, pourtant héritière de la bibliothèque royale.
François 1er, précurseur des reliures dorées et de la gravure de ses armes sur ses livres, amoureux du français qu’il s’appliqua à imposer à la place du latin, créateur de l’ancêtre du dépôt légal (ce qui lui donnait un moyen de contrôler les écrits publiés), a collectionné des chefs-d’œuvre, heureusement sauvés. Parmi eux, le manuscrit (en trois volumes) des Guerres Galliques écrit vers 1520 par François Desmoulins et enluminé par Godefroi le Batave, dont Chantilly conserve le 3e tome. Autres emblèmes de la collection de Chantilly, Les Heures d’Anne de Montmorency et Les trois premiers livres de Diodore de Sicile (historien, chroniqueur et grand voyageur grec du 1er siècle avant notre ère), traduit en 1534 par Antoine Macaut et décoré d’enluminures sublimes par le flamand Noël Bellemare (voir l’illustration ci-jointe représentant François 1er assis à table, écoutant Macaut lui lire l’œuvre).
Le duc d’Aumale, plus grand bibliophile du XIXe siècle, héritier du Domaine de Chantilly et de l’immense fortune de son parrain Louis-Henri-Joseph de Bourbon, dernier prince de Condé, recherchera toute sa vie ces livres ayant figuré dans la « librairie de François 1er », comme on disait à l’époque.
L’influence, le goût pour les arts et la culture et la mémoire du vainqueur de la bataille de Marignan (immortalisée par une très rare enluminure sur parchemin de Nadat, dit le Maître de la ratière) s’affiche aussi au travers des portraits de lui par Clouet (qui fabriqua son image en quelque sorte), de ceux représentant sa mère, ses épouses et maîtresses, ses enfants, des dessins (dont les Primatice de Chantilly), tableaux et gravures et de quelques rares objets d’art. Car, exceptés les livres, il ne reste presque plus rien des collections de François 1er. Les pièces d’orfèvrerie étaient souvent fondues pour financer les guerres. Les tapisseries réalisées à l’époque en fil de soie, de laine, d’or et d’argent disparaissaient au gré des pillages ou des saisies révolutionnaires. Quant à son cabinet de curiosités dont la mode se répand alors un peu partout en Europe, on ne peut que l’imaginer.

« Le siècle de François 1er » est donc une belle opportunité, tout comme l’autre grande exposition « Trésors royaux. La bibliothèque de François 1er », présentée à Blois jusqu’au 18 octobre 2015, de faire un peu plus la lumière sur ce roi qui gouverna la France durant trente-deux ans, de 1515 à 1547, et qui, de l’avis d’historiens tel Didier Le Fur (François 1er, Ed. Perrin, 2015), serait trop écrasé par ses légendes.

Catherine Rigollet

Visuels : La Bataille de Marignan (détail) Attribué au Maître de la Ratière Milan, [vers 1515] Bibliothèque et archives du château de Chantilly.
Diodore de Sicile, (ill. détail de l’enluminure : François 1er assis à table, écoutant le traducteur, son secrétaire Antoine Macaut, lui lire l’œuvre). 3 premiers livres 1534, Chantilly bibliothèque.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 7 septembre au 7 décembre 2015
Domaine de Chantilly (Oise)
Salle du Jeu de Paume
Billet : 10€ plein tarif
Tous les jours, 10h-18h (jusqu’au 1er novembre inclus)
Tous les jours sauf le mardi, 10h30-17h (à partir du 2 novembre)
www.domainedechantilly.com

 


 Catalogue de l’exposition.
Sous la direction d’Olivier Bosc et Maxence Hermant (commissaires de l’exposition), avec la collaboration de Louise Amazan, Nicole Garnier (conservateur en charge du musée Condé de Chantilly), Fabienne Le Bars et Marcello Simonetta
Paris, Ed. du Cercle d’Art, 2015. 229 pages, 30€