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Les Rothschild en France au XIXe siècle

Rothschild ? Un nom universellement connu et emblématique : celui d’une famille de banquiers native de Francfort. C’est aussi un nom propre passé dans le langage courant. Ne dit-on pas « je n’ai pas la bourse à Rothschild » ou « le goût Rothschild » ? Son nom, cette famille mythique le tenait de la maison dite « à l’écu rouge » (zum roten Schild) que leur ancêtre possédait à Francfort. L’exposition de la Bibliothèque nationale, à travers des documents provenant des archives Rothschild conservées à Londres, des photographies, des œuvres d’art et manuscrits rend hommage au fondateur de la branche française de cette famille : James de Rothschild, initialement prénommé Jacob, (1792-1868) et à ses descendants.
James était le cadet des 10 enfants de Mayer Amschel Rothschild, fondateur de cette dynastie qui essaima dans toute l’Europe, de Francfort à Londres, de Vienne à Naples, les quatre frères de James, eux aussi banquiers, s’établissant dans ces villes européennes. Les armoiries de cette famille, à laquelle François I d’Autriche accordera le titre de baron en 1822, représentant cinq flèches tenues par la main ferme du père, ne symbolisent-elles pas cette philosophie d’être unie en affaires et en famille !
En introduction à cette exposition, deux autres familles de la haute-banque parisienne au XIXe siècle sont évoquées : les Pereire et les Camondo. Comme James de Rothschild, ce sont des acteurs de la vie mondaine et artistique, possédant de magnifiques demeures et des collections d’œuvres d’art.
Associé avec les frères Isaac et Emile Pereire dans la compagnie de chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée, James deviendra rapidement majoritaire de cette ligne ferroviaire. Cette rivalité dans les affaires se manifestera aussi à travers la construction du château d’Armainvilliers édifié par les Pereire à côté de celui de James à Ferrières et l’acquisition du vignoble bordelais de Lafite par James alors que les Pereire achetaient celui de Palmer dans la même région. Les deux frères financeront les travaux d’Haussmann dans le quartier de l’Opéra à Paris, créeront la Compagnie générale transatlantique et la station balnéaire d’Arcachon mais, la faillite en 1867 du Crédit mobilier qu’ils avaient créée les éloigneront définitivement des affaires. Les frères Abraham et Nissim de Camondo, anoblis par Victor Emmanuel II pour leur aide financière à l’unification italienne, s’installeront en France en 1869 ; leurs fils respectifs, amateurs d’art, Isaac et Moïse lègueront l’intégralité de leurs collections de peintures impressionnistes (dont Le fifre de Manet) et d’art décoratifs du XVIIIe siècle aux institutions muséales françaises.
Pendant un demi-siècle, des dernières lueurs du Premier Empire lorsqu’il arrive en France en 1812 aux prémisses de la République, James de Rothschild participera par ses activités, comme les grands banquiers de cette époque implantés à Paris, à l’émergence de la société industrielle européenne. Proche du pouvoir et des gouvernements - il fut le banquier de la famille d’Orléans, habitué de la cour impériale de Compiègne, il convia Napoléon III en son château de Ferrières – James est l’archétype de l’homme d’affaires de son siècle. Il joue un rôle primordial dans la création de la Compagnie du chemin de fer du Nord et, en relation avec ses frères, il investit dans les charbonnages et les activités commerciales. En 1824, James épouse sa nièce Betty, âgée de 19 ans, fille de son frère Salomon, dont Ingres nous laisse le portrait. De cette union naîtront cinq enfants, investis dans la banque familiale et les arts comme leurs parents. Sa fille Charlotte eut Chopin comme professeur de piano qui lui dédia deux valses. James n’avait-il pas débuté sa collection en achetant à 29 ans La laitière de Greuze (offerte au Louvre), des tableaux hollandais et des primitifs flamands ! Ainsi prit forme ce mystérieux « goût Rothschild », fait d’achats coups de cœur et de mélange étonnant d’œuvres d’art du Moyen Âge, de la Renaissance et du XVIIIe, goût dont hériteront ses enfants, grands donateurs du Louvre, des musées Cluny et des Arts décoratifs ou de la Bibliothèque nationale. Un tel homme ne pouvait qu’inspirer la littérature : Balzac (client de la banque) avec La maison Nucingen, Stendhal dans Lucien Lewen ou Zola dans L’argent trouveront en James quelques traits pour les personnages de leur roman.

Antoine Prodhomme

Visuel : James de Rothschild, par Paul Flandrin d’après Hippolyte Flandrin, 1864, © Collection particulière

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 20 novembre 2012 au 10 février 2013
Commissariat de Claude Collard et Melanie Aspey
Bibliothèque nationale de France / Richelieu
5, rue Vivienne – 75002 Paris
Du mardi au samedi, de 10 à 19h, dimanche de 12 à 19h
Tarif plein : 7€
www.bnf.fr

 Catalogue. 196 pages, 130 illustrations. Éditions BnF. 36€