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Lyon au 18e, un siècle surprenant !

« Parmi les objets qui, à Lyon, sont dignes d’attirer la curiosité d’un étranger, il y a la jonction des deux grandes rivières, la Saône et le Rhône ; Lyon aurait sans doute été mieux situé, s’il avait été réellement à la jonction » écrit l’Anglais Arthur Young dans ses Carnets de voyages en France, le 28 décembre 1789. Fin observateur, Young a bien perçu le vaste espace inoccupé à cet endroit, suffisant jugeait-il pour contenir une ville moitié aussi grande que Lyon même. A l’étroit dans ses frontières historiques, Lyon va justement profiter de ce 18e siècle de croissance économique pour mener de grands projets urbanistiques, notamment à la confluence, offrant une résonance surprenante avec les grands chantiers d’aujourd’hui.
Rouvert en 2009 après de nombreuses années de travaux, les musées Gadagne à Lyon proposent leur deuxième exposition autour de ce surprenant XVIIIe siècle des Lumières à Lyon, « afin de montrer que la ville fut à la fois innovante et avant-gardiste, tant dans les domaines commerciaux que financiers et intellectuels » soutient avec enthousiasme Maria-Anne Privat-Savigny, conservateur en chef du patrimoine, directeur des musées Gadagne. Premier secteur industriel de la ville, le textile, dominé par la soierie, connaît de grands perfectionnements, notamment avec des hommes comme Vaucansson (1709-1782) inventeur du métier à tisser automatique ; l’inventivité du dessin et son renouvellement permettant aussi aux soieries lyonnaises de se distinguer de leurs concurrentes. Lyon, qui se développe également avec la faïence, l’orfèvrerie et les armes de prestige, est dotée d’une Chambre de Commerce, la 3e créées en France après celles de Marseille et Dunkerque. Lyon se construit et s’agrandit autour de grands projets menés par un trio d’architectes dont les noms demeurent indissociables de la cité rhodanienne. Soufflot signe entre autre le Grand Théâtre et l’Hôtel Dieu (fermé depuis 2010 pour restauration et réhabilitation en hôtel 5* et musée de la santé). Morand construit le pont éponyme et le nouveau quartier des Brotteaux à l’urbanisme linéaire en asséchant une partie des marais sur la rive gauche du Rhône. Perrache s’attaque aux premiers aménagements de la Confluence, visant de doubler la surface de la presqu’île en l’étendant au sud. Le XVIIIe siècle lyonnais est aussi marqué par la création de la première école vétérinaire au monde, par deux inventions scientifiques majeures : le bateau à vapeur et la montgolfière, une vie littéraire et philosophique ouverte aux idées nouvelles des Lumières, la création de la première bibliothèque municipale en France, la présence forte de la Franc-maçonnerie emmenée par Jean-Baptise Willermoz et une certaine fascination pour l’étrange et l’hypnose sous l’influence du magnétiseur Mesmer. Rappelons aussi qu’au XVIIIe siècle, on meurt cinq fois mois à Lyon qu’à Paris car dans les hôpitaux, on applique déjà deux principes d’hygiène essentiels : le lavage des mains et la désinfection par le feu des instruments chirurgicaux.

L’esprit de l’exposition entend embrasser la diversité de ces aspects, au fil d’un parcours ambitieux qui raconte : l’agrandissement de la ville au XVIIIe siècle, les architectes et urbanistes qui y ont contribué, le pouvoir des religieux (notamment des Jésuites), les luttes d’influence, la montée en puissance des intendants, dont le très entreprenant Bertin, les prémisses de l’humanisme sociale, la vie financière et économique d’une ville pragmatique et de ses commerçants-bourgeois, le savoir faire des artisans d’art , le développement de la danse, etc. L’exigüité des salles limite hélas fortement le nombre et la taille des pièces présentées (trop peu de tissus, faïences, meubles et instruments scientifiques aux côtés des cartes, gravures et livres). Et face au dynamisme de ce XVIIIe siècle lyonnais, on aurait rêvé d’une scénographie d’exposition qui nous surprenne, à l’instar de l’affiche. On regrette aussi le manque d’introduction dans chacune des salles ; des textes qu’on pourra lire avec beaucoup de profit dans le catalogue illustré (Edition Somogy, 35€). Pour autant, les clés de compréhension historique recueillies dans les murs de ce joyau architectural de Lyon, emblématique de son quartier Renaissance, invite à partir explorer la ville et retrouver son histoire de cours en traboules, jusque dans les quartiers les plus contemporains, à la confluence du Rhône et de la Saône, là où déjà au XVIIIe siècle, l’architecte Perrache, homme des Lumières s’intéressant aux questions d’urbanisme, imaginait l’extension de Lyon.

Catherine Rigollet

Antoine-Michel Perrache (1726-1779) Portrait peint par sa soeur, Anne-Marie Perrache, Lyon, 18e siècle. © musées Gadagne / photo C.R

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 22 novembre 2012 au 5 mai 2013
Musées Gadagne
1, place du petit Collège - 69005 Lyon
Du mercredi au dimanche, de 11h à 18h30
Tél. 04 78 42 03 61
Tarif plein expo temporaire : 7€
www.gadagne.musees.lyon.fr

 


 Une centaine de rendez-vous pour tous dans Lyon, durant l’exposition.

 


 Le Palais de Justice de Lyon, construit par Baltard entre 1837 et 1847, vient de retrouver sa superbe après 5 ans de rénovation. Une exposition présente son histoire en images, du 13 juin au 2 septembre 2012.

 


 Les musées de Gadagne abritent aussi une exceptionnelle collection de 3000 marionnettes du monde.
 A voir également au musée : « Le teint entre en scène ». Du 7 février au 10 mars 2013.