Je me souviens de ses petites boites intimistes exposées à Tanlay, en 1987. Si Marie Morel peint aujourd’hui des grands formats, ils sont pour la plupart toujours constitués de petites alvéoles ou de rectangles dans lesquels l’artiste continue de raconter (d’enfermer) sa vie, ses amours, ses révoltes, ses émerveillements. Marie Morel dessine et peint depuis l’enfance, en autodidacte, encouragée par une mère peintre et architecte et par un père écrivain et éditeur qui craignaient que leur fille « abîme son talent à l’école des Beaux arts ». Utilisant des pastels gras, de la peinture acrylique et une infinité de petites choses qu’elle colle (bouts de carton, perles, clous, morceaux de tissus, plumes, branches), elle réalise des motifs (où branches, oiseaux et corps de femmes schématisés dominent) assemblés côte à côte et qui se lisent comme une histoire. D’ailleurs mots et phrases philosophiques et poétiques émaillent ses toiles toujours construites sans point de fuite. Le noir domine chez Marie Morel, et quand cette femme menue, toute de sombre vêtue met des couleurs, elles s’harmonisent au point de se fondre en un grand monochrome ; une tonalité qui renforce la singularité de son œuvre et lui donne d’autant plus de profondeur. Ses dernières toiles sont : un Hommage à Louise Michel (en collaboration avec l’écrivain Pascal Quignard), des Réflexions sur la nature, un hymne à La liberté des femmes, un devoir de Mémoire de la shoah. Exposant régulièrement, notamment à la galerie Béatrice Soulié à Paris et à la galerie B à Pont Aven, Marie Morel n’avait jamais montré ses grands formats. Cette importante exposition monographique que lui consacre la Halle Saint Pierre en présente une trentaine, ainsi qu’une quarantaine de petites toiles. Des œuvres de ces dix dernières années. À voir absolument.
Catherine Rigollet