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Michel Houellebecq. Rester vivant

On avait été prévenus : ce n’est pas une exposition sur l’écrivain honni autant qu’adulé, médiatique en diable, sous protection depuis la publication de Soumission en 2015, mais une exposition “de” Michel Houellebecq, supposé « brouiller les cartes entre littérature et photographie, réel et fiction ». Une recension de ses obsessions, et de son talent protéiforme. Faut-il présenter l’artiste/écrivain ? Né en 1956, auteur d’une dizaine de fictions dont un Prix Goncourt (2010), fumeur invétéré (cigarette tenue entre majeur et annulaire), chantant ses propres poèmes, grand ami des chiens, accusé d’islamophobie par certains, et photographe à ses heures.

Sur la feuille d’accompagnement, Houellebecq révèle les trois parties de son exposition : un démarrage très plombant, sinistre ; le n’importe quoi mégalomane et la fin très évanescente. Ses familiers reconnaitront la structure ternaire de ses romans. La première partie est sombre et labyrinthique, ponctuée de photos des lieux, pas beaux, mais qui sont notre quotidien lorsque nous nous déplaçons, nous consommons, nous vivons. Des photos dépeuplées, plutôt sévères, esthétiques mais ne suscitant pas l’émotion. Dans deux salles, des écrans obscurs (extraits du film La possibilité d’une île, parait-il) et des sièges vides… Un raté technique ??? À côté, en vitrine, glorifiés, en lévitation, les instruments de travail de l’artiste, un carnet, un stylo, un appareil photo, et des IRM de son cerveau. Un bel autoportrait en intellectuel.

À la sortie du labyrinthe, c’est une explosion de couleurs, au sol, sur les murs. Le tourisme dans tous ses états. Celui des sets de table que l’on trouve dans les boutiques de souvenir de n’importe quelle bourgade française, avec l’église, le café du village ou une scène pastorale et qui tapissent le sol. Couleurs toujours dans la plus belle salle, celle où Houellebecq a convoqué Combas : une symbiose étonnante entre les poèmes de l’écrivain et les toiles hypercolorées de l’artiste de la figuration libre (qui expose à Monaco, du 7 août au 11 septembre 2016). Sur une cimaise, deux ou trois dizaines de crucifix faits de pinceaux et tubes de peinture. Que viennent-ils donc faire ici ? Et, au centre, interdit d’entrée, mais ouvert aux regards, le havre de paix de Combas qui ne le cède en rien au désordre du studio de Francis Bacon.
Une salle consacrée à l’érotisme, pourquoi pas, et enfin le mémorial à Clément : le corgi chéri de Houellebecq, des photos, ses jouets. Une salle personnelle et sentimentale. Sur fond de Iggy Pop. Avant de sortir, une dernière énigme, la photo d’un paysage désertique, en noir et blanc : Nous habitons l’absence.

Pour faire mieux qu’un inventaire banal des œuvres d’un homme talentueux comme il vient d’être fait, pour approfondir et retrouver les “idiosyncrasies” de Houellebecq comme il le souhaitait, il aurait fallu être un lecteur assidu de ses œuvres, un fan de ses interviews, un admirateur de son film, ce que l’auteure de ces lignes n’est pas. On aura résisté à sa suggestion de retourner immédiatement dans l’exposition, mais on retiendra quand même que le romancier français contemporain le plus traduit dans le monde est aussi un formidable poète en images et en mots.

Elisabeth Hopkins

Visuels page expo : Michel Houellebecq, France #017. Tirage pigmentaire (2016) sur papier Baryta. Contrecollé sur aluminium. 73,4 x 50 cm. Courtesy de l’artiste et Air de Paris, Paris.
Michel Houellebecq, Inscriptions #012. Tirage pigmentaire (2016) sur papier Baryta. Contrecollé sur aluminium. 88,1 x 60 cm. Courtesy de l’artiste et Air de Paris, Paris.
Michel Houellebecq, Mission #020.Tirage pigmentaire (2016) sur papier Baryta. Contrecollé sur aluminium. 51,1 x 75 cm. Courtesy de l’artiste et Air de Paris, Paris.
Visuel vignette : Michel Houellebecq, Dans les bras (II). Courtesy de l’artiste et Air de Paris, Paris.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 23 juin au 11 septembre 2016
Palais de Tokyo
13, avenue du Président Wilson 75116 Paris
Ouvert tous les jours, sauf le mardi,
De midi à minuit.
Entrée : 10€
www.palaisdetokyo.com