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Migrations Divines

Si l’impact du fait religieux sur notre 21e siècle repose sur le déni, l’indifférence, l’intolérance et la violence, l’exposition du MuCEM, érudite et riche de fort belles œuvres, montre qu’il n’en fut pas toujours ainsi, et que les polythéismes de l’Antiquité ont pu façonner, sereinement semble-t-il, à leur époque, les hommes, leurs modes de vie et de pensée. Environ 200 objets rituels et images cultuelles égyptiennes, grecques et romaines, datant du troisième millénaire avant J.C. au 3e siècle après J.C. prêtés pour la plupart par la Fondation Gandur et les Musées d’Art et d’Histoire de Genève, témoignent du besoin des hommes et femmes de l’antiquité de vénérer, se protéger, et rêver d’immortalité.

De l’illustration des divinités, de leurs attributs et de leurs fonctions, on passe à la quête d’éternité de nos anciens et, en conclusion, à l’expansion des cultes due aux déplacements humains, aux conquêtes, aux occupations et aux échanges commerciaux, avec pour résultat la tolérance et une certaine forme de syncrétisme.
Après une dizaine d’exquises idoles de petit format (Cyclades, Egypte, Syrie néolithique), les représentations de divinités se succèdent : représentations métaphoriques en Egypte (lionne, cobra) ; formes humaines avec attribut en Grèce et à Rome (le foudre de Jupiter, la grappe de Dionysos ou Bacchus). À force de côtoyer les dieux, les hommes cherchent à pérenniser leur propre existence. Les Egyptiens, comme leurs pharaons, finiront par bénéficier d’un culte funéraire, alors qu’en Grèce et à Rome où l’on déifie les grands vainqueurs, leurs successeurs revendiqueront à leur tour cette descendance divine.

L’exposition se clôt sur l’osmose entre les cultes d’orient et d’occident : Cybèle, venue d’Anatolie ou Mithra venue d’Iran, furent ramenées en Occident ainsi qu’en attestent statuaire et sanctuaires ; et l’esthétique grecque trahit son influence sur la statuaire bouddhique, avec le style Gandhara. Plongé dans une atmosphère feutrée, sereine, voire spirituelle, le visiteur peut voir les œuvres, de multiples points de vue : grands marbres ou petits bronzes, statuettes anthropomorphes ou zoomorphes ; panneaux sculptés ou vases grecs et objets cultuels de toutes provenances. À l’heure où l’enseignement des langues mortes est remis en cause, cette exposition plaide en faveur de ces civilisations disparues et de ce qu’elles pourraient nous enseigner pour mieux appréhender le monde dans lequel nous vivons. Une belle leçon.

Elisabeth Hopkins

Visuels page expo : Portrait masculin du Fayoum, Egypte, Empire romain, IIᵉsiècle apr. J.-C., bois peint, or, lin et stuc. Dimensions : 45 x 37 x 12,5cm © Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Photographe : André Longchamp.
Visuel vignette : Tête de Vajrapani-Héraklès, culture du Gandhara, IVᵉ-Vᵉsiècle apr. J.‐C., terre cuite. Dimensions : 38 x 28,5 x 28 cm © Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Photographe : André Longchamp.

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Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 24 juin au 16 novembre 2015
Musée des Civilisations de l’Europe et
de la Méditerranée, MuCEM
1 Esplanade du J4 -13002 Marseille
Tous les jours sauf le mardi.
Du 4 juillet au 31 août, 10h-20h (22h, le vendredi)
Du ler septembre au 31 octobre, 11h-19h (22h, le vendredi)
Du ler au 16 novembre, 11h-18h
Tarif plein : 8€
www.mucem.org

 

À voir également au MuCEM, une exposition plus grand public, un peu fourre-tout, “Lieux Saints Partagés”. Ou comment les populations méditerranéennes peuvent arriver à partager (mot polysémique) lieux de culte, figures bibliques, comme Abraham et Marie, et lieux saints vénérés dans les trois religions monothéistes, Judaïsme, Christianisme et Islam. Environ 400 photos, vidéos, miniatures, objets usuels et souvenirs de pèlerinage illustrent ce partage fragile, complétés par un survol de ceux qui en furent les témoins et les acteurs, tels Rumi (1207-73) ou Louis Massignon. Du 29 avril au 31 août 2015.