Roosenburg, Mirabelle - Photographe-plasticienne

Entre natures mortes et photographies gastronomiques, cette photographe compose avec nos déchets alimentaires quotidiens, s’amusant à déjouer les codes pour tromper nos certitudes. Une œuvre insolite.

C’est le reste d’une ratatouille qui a enclenché son envie de photographier, telles des natures mortes flamandes, les déchets de nos assiettes et surtout les épluchures de cuisine. Un travail esthétisant et hautement symbolique qui prend à contre-pied la tendance consumériste en offrant à nos ordures une seconde vie. Adepte de la décroissance, taiseuse et se disant volontiers « ermite », Mirabelle Roosenburg s’amuse avec nos préjugés, transformant fanes de carottes, fruits pourris, épluchures de radis ou d’oignons, légumes desséchés, restes de crustacés, coquilles d’oeufs…en plats à consommer ou en œuvre d’art à exposer. Car à la différence de Daniel Spoerry dont les collages de restes de repas provoquent un certain haut le cœur (sans doute voulu), nos résidus domestiques sont appétissants chez Mirabelle Roosenburg. Et c’est également voulu par l’artiste qui soigne en studio ses compositions et cherche à faire saliver le spectateur, tout en le confrontant à une image énigmatique.

Dès lors, on doute. On ne s’installe pas devant l’image innocemment, on sent que quelque chose cloche, qu’il y a autre chose à voir (à comprendre) derrière ce portrait lisse. Formée au multi-media, au sound design et au graphisme, cette diplômée de l’école nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy, curieuse de tous les médiums, privilégie désormais la photographie pour exprimer sa créativité. C’est avec des végétaux et des minéraux ayant perdu leur forme initiale pour n’être que des objets indéfinissables, qu’elle crée aujourd’hui des œuvres très graphiques qui trompent à nouveau nos certitudes.
Que voit-on ? Peintures ou photographies ? Plantes ou pierres ? « Le spectateur va voir des choses très différentes selon sa culture. Je cherche, moi, à donner à voir une image, sans qu’on puisse la nommer avec des mots ». Mirabelle Roosenburg va même jusqu’à tenter l’abstraction, ou plus précisément l’extraction, « car les propriétés extraites (formes, couleurs, textures…) sont présentes dans les objets d’origine ». Une œuvre insolite, poétique et provocante.

Catherine Rigollet (Juin 2010)

Photographies Lionel Pagès