Musée Dom Robert et de la tapisserie du XXe siècle

Inauguré en avril 2015, le Musée Dom Robert présente depuis le 5 février 2018 un nouvel accrochage de trente-cinq tapisseries, dont dix-huit de Dom Robert et dix-sept de créateurs contemporains. L’occasion de redécouvrir l’Abbaye-école de Sorèze qui l’abrite.

Au sein de l’Abbaye-école de Sorèze, dans le Tarn, le musée Dom Robert et de la tapisserie du XXe siècle déroule ses mille cinq cent mètres carrés d’exposition, restructurés avec talent par l’architecte scénographe italienne Suzanna Ferrini. Mais ce musée est avant tout le lieu de présentation de la collection de l’Abbaye Saint-Benoît d’En-Calcat (à Dourgne) : soixante tapisseries de Dom Robert et trente-cinq dues au talent d’artistes contemporains, tels Lurçat, Gromaire ou Prassinos. Des œuvres prêtées pendant trente-trois ans au musée par l’abbaye. Un prêt qui sera sans doute transformé en don à l’issu de ce laps de temps.
Sur le thème bucolique des moutons et des chèvres, l’exposition se traverse avec bonheur. Le musée, bien éclairé et bien conçu, permet de découvrir les grandes tapisseries tant dans leur salle d’accrochage que d’en haut, en traversant des coursives aux rambardes transparentes. Fleurs de champs, oiseaux, animaux de la ferme, arbres ou défilement des saisons, les thèmes abordés par Dom Robert racontent ses longues promenades dans la campagne, carnet de croquis à la main.
Sur la tapisserie l’Été, des paons, et des coqs s’ébattent au milieu des fleurs. Autour, les verts de la végétation contrastent avec le fond vert central. Pour l’Automne, Dom Robert plante des arbres en alternant les jaunes et rouges de cette saison, les oiseaux ponctués de blanc structure l’espace. Très colorées, parfois naïves, les tapisseries de Dom Robert s’appuient sur la figuration sans pour autant respecter les échelles. L’artiste recrée une nature aux couleurs étonnantes, tête rose vif du dindon, papillons bleus ou jaune vif. L’ensemble révélant une poésie bucolique. Parallèlement, Le lion et l’antilope replonge dans les premières amours de l’auteur, son voisinage avec l’abstraction dans le milieu artistique parisien proche de Cocteau et son travail de dessinateur dans la fabrique de tissus Ducharne, avant sa conversion. Le pelage des animaux est morcelé tel un puzzle formé de multiples pièces d’échantillons d’étoffes. Plus symbolique, cette tapisserie montrant le lion dévorant la douce antilope symbolise le bien et le mal et révèle la crise morale que traverse Dom Robert face au dictat de la vie monastique. En 1943, la communauté monastique lui commande une suite d’œuvres destinées à l’abbatiale. Il réalise le Magnificat et La Création de l’homme. Dans cette dernière création il imagine avec humour, Dieu en robe de brocart protégée par un tablier de travail des moines et chaussé de charentaises.
Suivent les tapisseries abstraites de Lurçat, Agam, Singier, Prassinos et une superbe création de Michel Tourlière de 1985 tissée dans un dégradé de bleu et cernée de formes géométrique qui rappellent les colombes de Braque. La présentation met bien en valeur cette exposition à découvrir même si on n’est pas un spécialiste de la tapisserie.

Dom Robert (1907-1997) : éloge de la nature

Étrange personnage. Guy de Chaunac- Lanzac étudie au collège des jésuites de Poitiers et dit « avoir commencé à dessiner à quatre ans ». Pendant ses études à l’École des Arts Décoratifs de Paris, il délaisse souvent ses cours pour aller dessiner les chevaux au Bois de Boulogne. Le jeune homme fréquente Jean Cocteau et son milieu mondain. Mais en 1930, Guy de Chaunac-Lanzac est amené par des amis à découvrir l’abbaye des bénédictins d’En-Calcat. Touché par la foi, il décide d’y rester et est ordonné prêtre en 1937. Abandonnant la peinture, il se consacre à l’enluminure. Sa rencontre avec Jean Lurçat en 1941 le dirige vers la tapisserie. Mais, même devenu Dom Robert, il retourne souvent à Paris, fréquente les vernissages et retrouve son ancien milieu. Là il reprend des vêtements civils, portant même parfois le blouson de cuir à la mode. Les instances abbatiales réagissent et l’envoient en punition dix ans en Angleterre de 1948 à 1958. De retour à En-Calcat, il retrouve une vie simple, arpentant la nature en dessinant.

L’Abbaye École de Sorèze.

Installé dans le charmant village de Sorèze aux maisons à colombages, l’Abbaye Ecole a vu défiler des élèves célèbres. Généraux d’Empire tel le général de Hautpoul, Henri de La Rochejaquelein un des chefs de l’armée vendéenne sous la révolution, le général Bolivar ou plus proche de nous l’ancien ministre Gilles de Robien, les frères Bogdanoff, Claude Nougaro et Hugues Auffray fréquentent cette institution. Fondée en 754, au pied de la Montagne Noire, l’abbaye Ecole doit sa renommée à un enseignement novateur. Un tronc commun d’enseignement réunit les élèves qui peuvent choisir d’autres cours. Louis XVI désigne en 1776 cette école comme Ecole Royale militaire, une des douze du royaume. Dans le parc, une des premières piscines de taille olympique approvisionnée en eau de source est inaugurée. Les élèves, jeunes aristocrates désargentées sont recrutés dans le monde entier, de l’Ile Maurice aux comptoirs de l’Inde. Après sa fermeture à la Révolution, l’arrivée du père Henri Dominique Lacordaire en 1854 redonne un nouveau souffle à l’école qui ferme en 1991, après l’avoir ouvert aux jeunes filles deux ans auparavant. Désormais, l’ensemble des bâtiments est morcelé en hôtel, laboratoire pharmaceutique, musée de la tapisserie et musée école. Ce dernier évoque la vie des élèves, uniformes, salle des illustres au décor kitch fin XIXe, ou cellules monacales des élèves les plus grands meublées d’un lit, d’une armoire en fer et d’une chaise. Les petits dormaient dans des dortoirs. Certains enfants y entraient à six ans et en sortaient après le bac. Une vie dure pour un enseignement de qualité.

Françoise Chauvin (reportage février 2018)

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

 Musée Dom Robert et de la tapisserie du XXe siècle
Abbaye-école de Sorèze - 81540
Tous les jours, 10h-12h30 et 14h-18h
Fermé le mardi, excepté en juillet et août,
Tél. 05 63 50 86 38
www.abbayeecoledesoreze.com

 

 L’Abbaye d’En-Calcat ne se visite pas. On peut assister aux offices et acheter à la librairie.

 

 L’Atelier des Bleus Pastel d’Occitanie,
Denise Siméon Lambert, maître teinturière
06 41 93 39 25
bleulambert aol.fr
Denise Siméon Lambert, maître teinturière, a redonné vie à l’art de la teinture au pastel. Cette couleur bleue totalement indélébile provient d’une plante éponyme qui fleurit jaune, ressemble au colza, et dont on n’utilise que les feuilles. Son savoir-faire a fait la fortune des toulousains. Supplanté hélas par l’indigo, moins onéreux, le pastel demeure le bleu le plus recherché en particulier par la haute couture. Autrefois on le traitait en fabriquant des boules, ou « cocagne » en langage local, d’où le nom de « pays de cocagne » donné à cette région du Tarn.

 

Visuels : Dom Robert, Magnificat, tapisserie. Vue du musée. Vue de l’Abbaye-école de Sorèze. L’atelier des bleus pastel d’Occitanie. Photos D.R.