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Quand les artistes dessinaient les cartes. Entre Art et cartographie

Vues et figures de l’espace français, Moyen Âge et Renaissance

Les cartes géographiques ont une utilité reconnue depuis l’aube de l’histoire. Pourtant, comme représentation de l’espace, la carte n’a pas toujours été l’indication d’un itinéraire, un outil pour que se repèrent l’explorateur ou le simple voyageur.
C’est ce que nous montre la passionnante et pertinente exposition des Archives nationales, « Quand les artistes dessinaient les cartes ». Car, la carte invite autant au voyage qu’elle incite au rêve. Elle eut aussi d’autres usages que nous fait découvrir l’exposition des Archives. Une exposition déjà remarquable par les 97 cartes originales exposées, la plupart manuscrites réalisées entre XIVe et XVIIe siècles, dont plus de la moitié jamais exposées et 28 inédites, c’est-à-dire non publiées ou très confidentiellement. Elles se situent à une époque charnière dans l’histoire de la cartographie où les « vues figurées » (*), à la limite de l’art et de la cartographie, coexistent avec des représentations plus « savantes » (la redécouverte de la « Géographie » de Ptolémée au début du XVe siècle est un tournant majeur de ce point de vue) puis imprimées lorsque se développe l’imprimerie. Dessinées et colorées, voire annotées et certaines de grand format, ces cartes sont l’œuvre d’artistes renommés, appelés pour leur expertise du dessin et de la perspective, comme Jean Cousin, Nicolas Dipre, Bernard Palissy ou Léonard de Vinci, mais aussi de peintres ou graveurs méconnus pour des litiges plus locaux comme l’incroyable « Figure du cours de l’Aa entre Wizernes et Saint-Omer » (1459 par Olivier Bissot et Pierre Pol) qui oppose la ville de Saint-Omer et l’abbaye de Clairmarais pour connaître la responsabilité dans la noyade d’un enfant, le corps de l’enfant noyé étant même représenté sur la carte !

Si elles ne sont pas à proprement parler des paysages peints, ces cartes donnent cependant à voir les villes et les campagnes de la France entre Moyen Âge et Renaissance, les décors de la vie quotidienne d’alors. Elles sont d’étonnants objets d’art et de géographie à la fois (beauté et précision de la « Figure accordée de la gruerie de Nanteuil-le-Haudouin » par Jehan Monnerye en 1609). Des animations numériques et audiovisuelles (l’analyse du conflit territorial à partir de la vue figurée de Castelferrus et Saint-Aignan dans le Tarn-et-Garonne en 1525) permettent de saisir au plus près la création et l’utilisation des cartes à cette époque tandis que, mis en regard de certaines cartes, des documents d’archives et livres de référence utilisés par les peintres et cartographes donnent le contexte de la confection de ces cartes. Cette exposition a nécessité un important travail de restauration et de numérisation, les emprunts provenant d’une quarantaine d’institutions.

L’animation qui évoque l’évolution de la cartographie au fil des siècles nous montre que l’étape contemporaine à base de satellites et de données numériques (Google Earth, Street View…) signe le retour de la figuration, de la « représentation imagée » de l’espace, finalement peu éloignée des « vues à vol d’oiseau » créés par les artistes cartographes d’il y a cinq siècles ! Après un long passage par l’abstraction des cartes modernes. Amusant clin d’œil de l’histoire…

Jean-Michel Masqué

(*) Comme l’expliquait Juliette Dumasy-Rabineau (Revue Historique 2013/4, n°668, p. 805), co-commissaire de l’exposition : « À la fin du Moyen Âge, la pratique judiciaire connaît une importante évolution, passée assez inaperçue : l’apparition d’un nouveau genre de document parmi les pièces produites devant les tribunaux, les « figures » ou « vues figurées », qui représentent par le dessin les lieux qui constituent le décor ou le fond du litige, et sont utilisées pour mener à bien la résolution du conflit. »

Visuels : La figure d’Albi (Tarn) et sa juridiction, vers 1314. Archives départementales du Tarn – La plus ancienne carte locale de France. Et détail.
Plan de la forêt de Longboël / ou Longbouel (Seine-Maritime), 1566. Archives nationales. Et détail.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 25 septembre 2019 au 6 janvier 2020
Archives Nationales
Hôtel de Soubise
60, rue des Francs-Bourgeois (Paris 3e)
Du lundi au vendredi de 10h à 17h30
Samedi et dimanche de 14h à 17h30
Plein tarif : 8 €
www.archives-nationales.culture.gouv.fr