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Royaumes oubliés. De l’empire hittite aux Araméens

Pendant cinq siècles (1650-1190 av. J.-C.), les Hittites, l’un des plus anciens peuples indo-européens, se sont imposés comme une puissance incontournable du Proche-Orient, dominant l’Anatolie puis la Syrie du Nord, capable de rivaliser avec l’Égypte et la Babylonie et étendant son influence technique (métallurgie du fer), commerciale, artistique et culturelle (l’écriture hiéroglyphique louvite), sur le Levant. S’ils furent à l’origine du pillage de Babylone, les Hittites connurent eux-aussi la destruction de plusieurs grandes villes, l’abandon de leur capitale Hattusa, puis la chute brutale de leur empire, causée sans doute par des attaques successives de tous côtés et des difficultés pour acheminer le blé venu d’Égypte.

Cet effondrement des Hittites autour de 1200 av. J.-C. donna lieu à l’émergence de plusieurs petits royaumes néo-hittites et araméens dans les territoires de la Turquie et la Syrie modernes, s’appropriant leur héritage et édifiant de puissantes cités, décorées de magnifiques décors urbains, comme l’avait été Hattusa, leur capitale avec ses murailles aux portes ornées de Lions et de Sphinx.
Ainsi Karkemish, avec Alep l’un des deux sièges de vice-royauté de l’empire, possédait des reliefs monumentaux qui rythmaient la voie processionnelle de la ville, avant d’être détruite en 605 avant notre ère par le roi babylonien Nabuchodonosor. Mais aussi Sam’al, Masuwari, Palastin, Hamath, Gurgum, Malizi ou encore le Bit-Bahiani. Exceptionnelle par ses richesses sculptées, la ville de Guzana, capitale du royaume du Bit-Bahiani, abritait un palais au fantastique décor de pierres en basalte et calcaire peint en rouge et sculptées. Ces orthostates, qui servaient à protéger la base de ses murs en briques crues contre les pluies et l’érosion, présentent une iconographie d’une incroyable diversité de thèmes et de symboles liés à la vie quotidienne, au pouvoir ou encore au monde des dieux, des génies et des monstres…dont la signification ne manquera pas de questionner le visiteur.

Etonnante rencontre sur le site de Nimrud (ancienne Kalkhu en Irak du Nord) avec la reine du polar, Agatha Christie. Mariée au jeune archéologue Max Mallowan rencontré sur le site d’Ur (Irak), cette passionnée d’archéologie qui partagea sa vie entre l’écriture et les fouilles, participa à la découverte d’un des plus fabuleux ensembles d’ivoires jamais découverts en contexte archéologique ; des petites œuvres finement ouvragées, représentant des animaux (caprin, oryx…) ou des personnages et fabriqués en Syrie du Nord, peut-être à Karkemish. En 1949, dans « La Romancière et l’archéologue », Agatha Christie raconte cinq saisons de fouilles, avec humour et un sens aigu de l’observation. Des chroniques aussi captivantes que ses romans inspirés des chantiers de fouilles, dont Meurtre en Mésopotamie, Le Crime de l’Orient-Express et Rendez-vous à Bagdad.

Grâce aux prêts du Pergamon Museum de Berlin, l’exposition Royaumes oubliés. De l’Empire Hittite aux Araméens nous permet de découvrir les œuvres les plus émouvantes du parcours. Des sculptures massives (mi-homme/mi-bête comme cet étrange homme-scorpion ou un aigle aussi féroce qu’imposant), découvertes entre 1911 et 1913 par le baron Max von Oppenheim et qui ornaient le palais du roi araméen Kapara à Tell Halaf, site majeur du patrimoine syrien. Entreposées à Berlin, elles furent brûlées et en partie explosées en milliers de pièces par des bombardements pendant la Seconde guerre mondiale. Patiemment restaurées par le musée au début des années 2000, elles sont présentées pour la première fois au Louvre.

Ces rescapées nous invitent non seulement à redécouvrir des royaumes oubliés de l’histoire, mais aussi à revivre l’aventure de la recherche archéologique au travers de ces pionniers au début du XXe siècle : Charles Texier, Georges Perrot, Archibald Sayce, Max von Oppenheim...
On sera une nouvelle fois surpris de croiser un personnage aussi inattendu que mythique en la personne de Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d’Arabie. Titulaire d’un doctorat en architecture sur l’influence des croisades sur l’architecture européenne à la fin du XIIe siècle, le jeune thésard est affecté en 1911 au site archéologique syrien de Karkemish, près d’Alep, par le British Museum…avant de devenir successivement espion, défenseur de la cause des arabes contre les Britanniques, aviateur dans la Royal Air Force, écrivain…

Catherine Rigollet

 Commissariat : Vincent Blanchard, conservateur en chef au département des Antiquités orientales, musée du Louvre.

Visuels : Découverte d’une statue funéraire. Fouille du site de Tell Halaf © Fondation Max Freiherr von Oppenheim / Rheinisch-Westfälisches Wirtschftsarchiv, Cologne.
Monument du site de Tell-Halaf, Berlin.
Tête de lion, site de Malizi.
Stèle funéraire du prêtre-Si Gabbor, département des Antiquités Orientales musée du Louvre.
Photos L’Agora des Arts, 26 avril 2019.

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Infos pratiques

Du 2 mai au 12 août 2019
Musée du Louvre
Billet unique (collections permanentes et expos) : 15€
Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 9 h à 18 h.
Nocturnes les mercredi et vendredi jusqu’à 21h45.
Tél. 01 40 20 53 17
www.louvre.fr