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Rudolf Stingel

Il a été exposé une seule fois en France, chez Gagosian, en 2012. Les français connaissent donc peu Rudolf Stingel (né en 1956, travaille à New York) sauf s’ils ont pu voir, en 2013, son installation spectaculaire au Palazzo Grassi de Venise : 5000 m2 de moquette rouge aux motifs orientaux agrandis sur les sols et murs, ponctués d’abstractions argentées ou de portraits de sculptures en noir et blanc. On s’attendait donc à un savoureux accrochage des œuvres de cet artiste plutôt timide lorsqu’il s’agit de parler de son œuvre (le catalogue de l’exposition ne comporte aucun texte !), qui ne cesse d’élargir le domaine de la peinture en utilisant les matériaux les plus divers, qui joue avec les traces du passage du temps, et qui tient à impliquer le spectateur, sans rien lui imposer (toutes les œuvres sont titrées « Untitled »).

Lorsque Stingel fut exposé pour la première fois dans une galerie new yorkaise en 1991, il couvrit le sol d’une moquette orange solaire. Tableau à fouler aux pieds. Une moquette similaire est accrochée ici au mur, avec une invitation à y laisser les traces de ses mains. Un art pariétal pour le 21e siècle ? On lui préfèrera la moquette au motif persan très agrandi qui couvre plusieurs autres murs, dont celui où s’affiche l’autoportrait de l’artiste, qui n’en est pas vraiment un puisqu’il est inspiré par une photo de lui prise par un de ses amis.

Pour comprendre d’autres œuvres, il faut s’intéresser au “Mode d’emploi” de l’artiste, publié en 1989 : il y dévoilait la fabrication de ses abstractions avec peinture, tulle et pulvérisation de couleur argent, dont on voit ici un parfait exemple. Untitled (2008) offre un effet de grillage sur fond d’argent, permettant d’imaginer un enfermement devant un horizon sans fin, ou une transparence vers une opacité. À chacun d’y trouver son propre oxymore.

Deux toiles photoréalistes du batteur servant au mélange de la peinture à l’huile et du pistolet de pulvérisation s’inspirent de ce “Mode d’emploi” tandis que la peinture non moins réaliste d’une sculpture de madone est supposée dialoguer avec les reliefs d’une sculpture murale de polystyrène bleu glacier.

Soyons honnêtes, on est plus captivé par les peintures photoréalistes de montagne et d’animaux (pris sur un vieux calendrier), ou par l’autoportrait de l’artiste que par les longues plaques de Celotex argenté, un isolant industriel, sur lequel les visiteurs ont laissé des glyphes banals. En revanche les cinq peintures de 2019, créées pour la Fondation, sur lesquelles Stingel a utilisé le procédé du tulle froissé sur la toile et de la pulvérisation, s’ouvrent à toutes les interprétations. Leur léger relief, souligné de couleur discrète, se lit à la fois comme un paysage, une scarification, un drap froissé ou une simple abstraction.

L’exposition semble orientée sur les techniques et matériaux que l’artiste exploite avec expertise. Peut-être est-ce la raison pour laquelle, malgré un accrochage aéré et lumineux, elle ne suscite que peu d’émotion.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Rudolf Stingel, Untitled, 2010. Huile sur toile, 335.3 x 459 cm. The Broad Art Foundation © Rudolf Stingel. Photo : Christopher Burke Studio. Courtesy Gagosian.
Rudolf Stingel, Untitled, 2019. Huile et émail sur toile, 241.3 x 193 cm © Rudolf Stingel. Photo : John Lehr.

Archives expo en Europe

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 26 mai au 6 octobre 2019
Fondation Beyeler
Bselstrasse 101,
CH-4125 Riehen-Basel
Ouvert tous les jours, de 10h à 18h
Nocturne le mercredi jusqu’à 20h
Entrée : CHF 25
www.fondationbeyeler.ch

 


 Catalogue édité par Udo Kittelmann pour la Fondation Beyeler. 380 pages, 475 illustrations. Hatje Cantz Verlag, 2019 – CHF 65.