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Sergio Larrain : « Londres »

Mystérieuse étoile filante de la photographie que le chilien Sergio Larrain (1931-2021) dont l’œuvre aussi forte et magique que brève se concentre sur une décennie. Avec son premier Leica acheté en 1949, porté par son empathie totale avec le monde qui l’entoure, il photographie les rues et les déshérités, lui le fils de la grande bourgeoisie chilienne. Avec intuition, spontanéité, liberté, en résonance totale avec son sujet, il photographie les enfants abandonnés dormant sur les trottoirs à Santiago, les piliers de bars interlopes et les prostituées de Valparaiso, etc. Fasciné par Henri Cartier Bresson rencontré en 1959 et qu’il considère comme « le maître absolu, un génie, appartenant à une catégorie à part », et dont il s’approprie la phrase célèbre : « photographier, c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l’œil et le cœur », Larrain rejoint l’agence Magnum et s’installe pendant deux ans à Paris.

Les commandes vont alors se multiplier, il va couvrir de nombreux sujets, tous très différents : le mariage du shah d’Iran, la guerre d’Algérie, le tremblement de terre au Chili en 1960, la mafia sicilienne. Ou encore ce reportage dans la capitale britannique durant l’hiver 1958-1959. Sensible aux scènes et lumières qu’il rencontre, ses photographies de nuées d’oiseaux dans le ciel gris, passants fantomatiques filant dans la solitude des rues, branches d’arbres rendues spectrales par le fog londonien sont empreintes de mélancolie, de poésie, révèlent le sens caché des choses. Des images en noir et blanc découpées par un cadrage audacieux, jouant avec les lignes, les gros plans, les contre-plongées, les jeux permanents d’ombres et de lumières.
Mais en 1965, face à la pression du monde journalistique, lassé des tumultes du monde et de ses mensonges, il rentre au Chili, fuit désormais les sollicitations et mène une vie davantage tournée vers l’écriture (il participe en 1966 à la publication d’Une maison sur le sable de Pablo Neruda) et une quête spirituelle.

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Gregory Halpern : Soleil cou coupé

Quatrième lauréat d’Immersion, une commande photographique franco-américaine de la Fondation d’entreprise Hermès, Gregory Halpern (né en 1977 à Buffalo) expose à la Fondation HCB le travail issu de sa résidence réalisée en 2019 en Guadeloupe. Intrigué par l’histoire, le lieu, les habitants et le vernaculaire de ce département français d’outre-mer, le photographe américain y a réalisé une série aussi bien énigmatique qu’attentive à la réalité, inspirée dit-il par le « surréalisme caribéen », incarné par Aimé Césaire. Par ses portraits, ses beaux paysages de nature exubérante, mais aussi la représentation d’objets du quotidien, de monuments, motifs et signes chargés des stigmates de la colonisation européenne et de la traite des esclaves, comme ce jeune homme portant une reproduction du Décret de la Convention abolissant l’esclavage tatouée sur l’épaule (voir visuel), Gregory Halpern s’éloigne de l’iconographie « carte postale touristique » et nous livre une vision entre réalisme et quête de l’esprit des lieux, d’une “beauté convulsive”, pour reprendre une formulation chère à Breton.

Catherine Rigollet

Visuels : Sergio Larrain, Trafalgar square, Londres, 1959 © Sergio Larrain / Magnum Photos. Et Londres, 1959 © Sergio Larrain / Magnum Photos.
Gregory Halpern, Let the Sun Beheaded Be, 2019 © Gregory Halpern / Magnum Photos

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 8 septembre au 18 octobre 2020
PROLONGATION JUSQU’AU 1er NOVEMBRE
Fondation HCB
79 rue des Archives – 75003 Paris
Du mardi au dimanche : 11h – 19h
Tarif plein : 9€
01 40 61 50 50
www.henricartierbresson.org