Passé de mode, l’art optique revient à la vitesse de la lumière en 2013...
Le Centre Pompidou rend hommage à l’artiste d’origine vénézuélienne Jesús Rafael Soto (1923-2005), l’une des figures majeures du développement du cinétisme en Europe, durant la seconde partie du XXe siècle. Installé en France en 1950, Soto découvre les fondateurs de l’abstraction, Mondrian, Malevitch et Moholy-Nagy qui vont avoir une grande influence sur l’orientation de son travail. Ses premières compositions, présentées au Salon des réalités nouvelles de 1951, sont des peintures qui visent déjà à rompre avec les règles canoniques des compositions abstraites pour organiser la succession rythmique des couleurs et des formes, et suggérer leur mouvement optique. Inspirée de la Rotative demi-sphère motorisée (1925) de Marcel Duchamp, découverte à la galerie Denise René où Soto exposera régulièrement, sa Spirale en plexiglas (1955) est une structure optique donnant au spectateur l’illusion de la rotation. En 1966, l’art optique rayonne à la XXXIIIe Biennale de Venise, tandis que Julio Le Parc obtient le Grand Prix international de peinture, Soto présente dans le Pavillon du Venezuela un grand Mur panoramique vibrant. Sans se limiter au plexiglas, il va chiner des ferrailles usagées, puis adopte des tiges en fil de fer neuf qu’il suspend à des fils de nylon disposés devant un support strié de fines lignes noires et blanches, cherchant « la vibration pure ». Allant plus loin, en 1967, son premier Pénétrable (Volume suspendu) présenté dans la galerie Denise René est sensé permettre au visiteur de s’inclure au milieu des tiges qui pendent du plafond. « Avec le Pénétrable, dit Soto, nous ne sommes plus des observateurs mais des parties constituantes du réel. L’homme n’est plus ici et le monde là. Il est dans le plein et c’est ce plein que je voudrais faire sentir avec mes œuvres enveloppantes. Il ne s’agit pas de rendre les gens fous, de les assommer d’effets optiques. Il s’agit de leur faire comprendre que nous baignons dans la trinité espace-temps-matière ». En 1975, il exposera un Pénétrable de 11 mètres de haut et de 80 m2 de surface au Guggenheim Museum de New York. Il en concevra un autre, cette fois sonore, installé dans le Cyclop de Tinguely, à Milly-la-Forêt. Après 1975, l’œuvre de Soto va connaître une ultime évolution. Tandis que le cinétisme subit une éclipse dans l’actualité artistique, l’artiste revient aux reliefs, joue avec la profondeur en juxtaposant des petits carrés de taille et couleur différentes, des Ambivalences, inspirées par la série Boogie-Woogie de Mondrian. Il réalise aussi des œuvres de très grands formats comme cette installation de six mille tiges suspendues au plafond du hall du Centre Pompidou en 1979 et ce grand Cube Pénétrable à l’entrée du Jeu de Paume qui lui consacre une rétrospective en 1997. Soto était jusqu’à présent peu représenté dans les collections publiques françaises. La dation à l’État français par la famille de l’artiste, en 2011, de vingt œuvres-clés, datées de 1955 à 2004, constitue un ensemble exceptionnel qui permet de reconstituer le parcours de cet artiste majeur, depuis ses premiers reliefs en plexiglas des années 1950 jusqu’aux volumes monumentaux des années 1990-2000.
Catherine Rigollet
Visuel : Soto, Spirale, 1955. Peinture sur bois et sur plexiglas, métal 30 x 30 x 28 cm. Dation, 2011. Centre Pompidou, MNAM-CCI / Georges Merguerditchian / Dist. RMN-GP © Adagp, Paris 2013