Précipitez-vous à Collioure cet été pour redécouvrir Léopold Survage auquel le beau et si intimiste musée de cette ville - l’ancienne demeure d’un sénateur – consacre une exposition. Survage (1879-1968) ne pouvait rester indifférent à cette cité catalane qui inspira Signac en 1887, Valtat en 1894 et surtout Matisse et Derain en 1905. Survage y séjourna régulièrement, entre 1925 à 1932. Qu’il est étonnant et émouvant de voir 62 tableaux et dessins présentés dans la lumière qui les vit naître, surtout qu’il s’agit de la première exposition consacrée intégralement à la période dite de Collioure de ce peintre d’origine russe. Un privilège rare qu’il faut goûter grâce à la ténacité de sa conservatrice, Joséphine Matamoros. Et l’on comprend cette « Collioure, ville artistique et mythe méditerranéen », comme elle l’analyse dans le catalogue, en s’y promenant, en regardant les montages allant mourir avec force dans la mer, son église Notre Dame des Anges plongeant dans le port et ses maisons resserrées et construites en hauteur. Mais, depuis longtemps, on ne croise plus ces femmes portant sur leurs têtes des paniers, des jarres, dans ce geste si quotidien de la civilisation méditerranéenne comme La porteuse (1926). Les vaches, avec à leur tête un taureau, ne descendent plus vers la ville pour aller à l’abattoir ; parfois il arrivait que le taureau échappa à l’attention du bouvier, provoquant l’affolement des gens, instant retrouvé dans Le taureau échappé dans la ville (1929). Les pleureuses, comme celles de La Crucifixion (1930), n’accompagnent plus les enterrements. En pays catalan, Survage se confronte à la vie des femmes de paysans, de vignerons ou de pêcheurs retranscrite dans Les pêcheuses, la Porteuse (1925) ou Femmes de Collioure (1931). Dans la narration de ce lieu, Paysage du Roussillon (1926) mêle la configuration architecturale et cubiste de la ville, le classicisme des femmes à la fontaine, l’arbre presque surréaliste, la porteuse qui devient l’emblème de Collioure dans son œuvre et l’oiseau. Même figuratif, ce tableau se compose d’une façon abstraite dans l’application dans sa peinture du principe du collage. Cet œil qui fut cubiste aborde la réalité, dans une écriture par aplats, une importance du trait, une autonomie de la ligne. Tout ceci dans une violence tellurique des tons, celle de l’austérité du paysage du Roussillon où le vent balaie la lumière.
Gilles Kraemer
Visuel page expo : Léopold Survage, La Porteuse, 1926. Huile sur toile, 100 x 79 cm. Collection RLF, Paris.
Visuel page d’accueil : Léopold Survage, Jeune fille à la fenêtre, 1929. Huile sur toile, 116 x 82 cm
Collection particulière