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Traits de génie. Boticelli, Dürer, Raphaël, Michel-ange, Poussin...

Le Palais des Beaux Arts de Lille détient une des plus belles collections de peintures en France et un fonds de dessins tout aussi prestigieux, légué au XIXe siècle par Jean-Baptiste Wicar. Un étonnant personnage qui fut à la fois artiste, conservateur, expert, marchand, collectionneur et révolutionnaire, ce qui lui valu un séjour en prison en 1795.
Né à Lille en 1762, Jean-Baptiste Wicar fait son apprentissage de peintre auprès de Louis-Jean Guéret avant de poursuivre sa formation à Paris dans l’atelier du graveur Jacques-Philippe Le Bas, puis auprès de Jacques-Louis David. Parti accompagner ce dernier en Italie en 1784, il y retournera ensuite régulièrement, y passant au total une trentaine d’années, entrecoupée de voyages en France. Peintre d’histoire et portraitiste, ce fils d’ébéniste, qui sera directeur de l’Académie des beaux-arts de Naples, est « un des meilleurs spécialistes de dessins anciens de son temps, et d’une grande clairvoyance comme en témoignent les trois collections qu’il va constituer au cours de sa vie », souligne Bruno Girveau, le nouveau directeur du Palais des Beaux arts et du musée de l’Hospice Comtesse de Lille, nommé en mars 2013 pour succéder à Alain Tapié.
La manière dont Wicar réunit ces milliers d’œuvres demeure toutefois assez mystérieuse. Toujours est-il que la première lui est dérobée en 1799, il en forme une deuxième qu’il vend en 1823 au célèbre marchand anglais Samuel Woodburn avant d’en entamer une troisième, riche de 1 300 œuvres, du XVe au XVIIIe siècle, qu’il lègue à Lille en 1834. L’école italienne y domine très largement avec des œuvres de Raphaël, Filippino Lippi, Fra Bartolommeo, Pontormo, Michel-Ange, Botticelli, etc. Elle compte aussi des feuilles de l’école du Nord avec Cranach, Dürer, Holbein et de l’école française avec Callot et Poussin, notamment. Outre cette collection le legs de Wicar comporte aussi des œuvres de sa main, dont le monumental tableau représentant La Résurrection du fils de la veuve de Naïm.

200 DESSINS DES GRANDS MAITRES DU XVe au XVIIIe

Pour commémorer les 250 ans de la naissance de Jean-Baptiste Wicar, le Palais des Beaux-arts de Lille qui expose cette peinture dans le vaste hall, présente aussi 200 dessins (plume, encre, lavis, sanguine, pointe d’argent, pierre noire...), issus de sa collection. Si tous ne sont pas d’égale qualité (certains ont par ailleurs beaucoup soufferts), y figurent quelques perles : Sainte Famille de Raphaël, Char de Saturne de Barthel Beham, La mort tenant un sablier de Filipino Liagno, La Vierge glorieuse de Jacopo da Empoli, Étude de barques et de bateaux de Luigi Baccio del Bianco, Portrait de Lucas de Leyde par Albrecht Dürer ou encore ce tragique Massacre des Innocents de Poussin. Une œuvre qui a particulièrement inspiré l’artiste contemporain Ernest Pignon-Ernest invité par le Palais des Beaux-arts de Lille à se confronter à quelques maîtres de la collection Wicar. Las, si l’idée était intéressante, le défi était de taille et le résultat est décevant. D’une part les dessins de Pignon-Ernest, placés au cœur de la grande salle d’exposition, cachent et écrasent par leur taille la sélection de feuilles anciennes qui courent sur les murs, et malgré le talent de dessinateur de l’artiste, son trait fait pâle figure au regard du génie de celui d’un Raphaël ou d’un Poussin.

ERNEST PIGNON-ERNEST FACE A RAPHAËL ET POUSSIN

Dommage, car le travail de cet artiste peut être remarquable, comme lorsqu’il intervient dans les rues avec ses dessins de corps grandeur nature qui s’inscrivent physiquement dans les lieux comme s’ils les habitaient. Où dans son œuvre monumentale Extases (2008), présentée dans la chapelle du beau musée de l’Hospice Comtesse à Lille, du 3 avril au 30 juin 2013. À travers les grands portraits au fusain de Marie-Madeleine, Hildegarde de Bingen, Angèle de Foligno, Catherine de Sienne, Thérèse d’Avila, Marie de l’incarnation et Madame Guyon, Pignon-Ernest a cherché à traduire de manière très personnelle -celle d’un artiste athée d’une très grande culture religieuse-, l’extase mystique de ces sept femmes dont les corps, exprimant l’indicible possession par le christ, se reflètent dans un miroir d’eau, comme une démoniaque mise en abyme.

Catherine Rigollet

Visuel page expo : Nicolas Poussin (1594‐1665), Le massacre des innocents. Plume et lavis d’encre brune, Sanguine au verso. 14,9 cm x 16,5 cm.
Visuel vignette : Giovanni Battista Naldini (1537‐1591) Tête de femme, étude de main (détail). Pierre noire et sanguine ‐ Trait (partiel) d’encadrement à l’encre noire, trait horizontal à l’encre noire
16 cm x 14 cm. Lille, Palais des Beaux‐Arts, collection Jean‐Baptiste Wicar. © Palais des Beaux‐Arts de Lille.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Traits de génie
Du 12 avril au 22 juillet 2013
Palais des Beaux Arts
Place de la République ‐ 59000 Lille
Le lundi de 14h à 18h et du mercredi au dimanche de 10h à 18h
Fermé le lundi matin et le mardi toute la journée
Exposition « Traits de génie » : 6€/4€
Ce tarif inclut la visite de l’installation « Extases » présentée au Musée de l’Hospice Comtesse
Tél. 33 (0)3 20 06 78 00
www.pba-lille.fr

 A voir aussi :
« Extases » (2008)- d’Ernest Pignon-Ernest
Du 3 avril au 30 juin 2013
Chapelle du beau musée de l’Hospice Comtesse
32, rue de la Monnaie - Lille
Le lundi 14h‐18h et du mercredi au dimanche 10h‐12h30 / 14h‐18h
Tél. 33 (0)3 28 36 84 00

 


 Situé au cœur historique de Lille, l’Hospice Comtesse fondé en 1237 par la comtesse Jeanne de Flandre vient d’être récemment restauré et sa façade repeinte dans une belle polychromie d’ocre de jaune et de rouge, comme au XVIIe siècle. L’ensemble est constitué d’une grande salle des malades à nef unique avec une chapelle dotée d’un riche décor XVIIe, et d’un bâtiment de vie communautaire qui s’attache à recréer l’intimité d’une maison flamande aux XVIIe et XVIIIe siècles. Dans le dortoir, une sélection d’œuvres illustre l’histoire de la cité et la vie quotidienne, du XVIe siècle à la Révolution française.