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Tristan Tzara. L’Homme approximatif

Poète, écrivain d’art, collectionneur

On peut se réjouir qu’une première exposition monographique d’envergure soit consacrée en France à Tristan Tzara (1895-1963), naturalisé français en 1947. Magnifique poète aujourd’hui plutôt méconnu dans notre pays, Tzara fut aussi un écrivain d’art perspicace et un collectionneur avisé, mais surtout un dynamiteur de formes au cœur d’une constellation artistique sans égale, hormis peut-être celles qui gravitaient autour d’Apollinaire, Aragon ou André Breton.

L’Homme approximatif est le titre du recueil de Tzara publié en 1931, un poème épique composé de chants écrits entre 1925 et 1930, sans doute l’un des textes les plus beaux et les plus représentatifs du poète. C’est tout à l’honneur du musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg que de délivrer de son long purgatoire un des initiateurs du mouvement Dada, d’ailleurs trop souvent réduit à ce seul « fait d’armes ». L’équipe du musée s’est entourée des spécialistes Serge Fauchereau, comme commissaire général, et Henri Béhar, éditeur des œuvres de Tzara, tandis que la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet et l’Institut culturel de Roumanie de Bruxelles (Tzara est né Samuel Rosenstock en Roumanie) ont apporté leur précieux concours en œuvres et documents. Sans parler des nombreux musées, galeries et particuliers prêteurs.

Sur deux niveaux, et environ 700 mètres carrés, l’exposition rassemble près de 500 œuvres plastiques et pièces documentaires dans un parcours cependant banalement chronologique et sagement biographique. Certes, il n’est jamais simple d’exposer un écrivain, son monde créatif propre, ses engagements comme l’univers de ses relations et collaborations artistiques. On aurait pourtant apprécié que cette exposition vibre de plus d’audace scénographique pour donner à voir et à sentir une œuvre et une période explosives, briseuses de tabous et furieusement créatrices. Où est l’esprit du Cabaret Voltaire ?

On passera sur les périodes Dada, surréaliste et d’engagement antifasciste puis communiste, très bien documentées mais les mieux connues aussi. L’intérêt de l’exposition réside plutôt dans ce qu’elle nous fait découvrir de la formation intellectuelle et artistique du jeune Samuel en Roumanie, qu’il quitte pour Zurich à l’âge de 20 ans, de l’attirance de Tzara pour l’art extra-occidental, africain, océanien mais aussi précolombien, de son vif intérêt pour l’art brut (deux Barbus Müller et une maison d’Auguste Forestier en témoignent), de son rôle dans la reconnaissance du photogramme (photographie sans appareil) comme forme plastique. Enfin, sa vie durant, Tzara n’a la plupart du temps édité ses textes qu’illustrés (40 en tout) par ses amis artistes, du roumain Janco à Yves Tanguy en passant par Arp, Sonia Delaunay, Braque, Dali, Klee, Kandinsky, Masson, Picabia, Matisse, Picasso, Miró... Souvent de véritables bijoux bibliophiliques dont les plus beaux exemplaires sont présentés ici. Une autre bonne raison de courir à Strasbourg !

Jean-Michel Masqué

Visuels : Francis Picabia, Tristan Tzara, vers 1920 ©ADAGP, Paris 2015 ©Collection particulière.
André Breton, Tristan Tzara, Greta Knutson, Cadavre exquis, 1935, Paris, Centre Pompidou - MNAM-CCI© ADAGP, Paris 2015 © Greta Knutson © Tristan Tzara Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 24 septembre au 17 janvier 2016
Musée d’art moderne et contemporain
1, place Hans Jean Arp - Strasbourg
Tous les jours de 10h à 18h (sauf lundi)
Visites commentées les dimanches à 11h
Plein tarif : 7 € (gratuit le 1er dimanche de chaque mois)
Tél. 03 68 98 51 55
www.musees.strasbourg.eu