Colmar. Le musée Unterlinden et le retable d’Issenheim

Installé depuis sa fondation en 1853 dans un ancien couvent de dominicaines du 13e siècle, le musée Unterlinden, géré par l’association Schongauer, a rouvert le 12 décembre 2015, rénové, sa superficie doublée pour passer à près de 8 000 m2 grâce à la construction d’une aile contemporaine et « l’annexion » des anciens bains municipaux de 1906 situés de l’autre côté de la place et reliés par une galerie souterraine.

Réalisés par le cabinet d’architectes suisses Herzog & de Meuron, ces travaux (près de 47 millions d’euros TTC, dont 19,5 millions pris en charge par la ville de Colmar), ont aussi permis très judicieusement de découvrir le canal de la Sinn et de rendre aux piétons la place Unterlinden. Interrogation en revanche face à la « petite maison » (selon l’expression de Pierre de Meuron) construite sur la place afin de servir de puits de lumière à la salle située en dessous. Si l’effet lumière est réussi vu de la galerie souterraine, on s’interroge sur l’intérêt et le coût de ce nouveau bâtiment vide, dont les formes reprennent celles de l’ancien moulin du couvent, mais qui, au XXIe siècle, vient sensiblement alourdir un ensemble architectural devenu très hétérogène.

Réussite totale en revanche pour la muséographie pensée par Jean-François Chevrier en relation avec l’architecture intérieure épurée. Sa sobriété blanche toute monacale met parfaitement en valeur les œuvres. Et le nouvel Unterlinden qui couvre près de 7000 ans d’histoire, de la Préhistoire à l’art du 20e siècle, « est désormais rééquilibré entre ses différentes collections », assure sa directrice Pantxika De Paepe. Des collections encyclopédiques (archéologie, objets d’art décoratifs et populaires, peintures, sculptures), qui sont particulièrement riches d’œuvres du Moyen Age et de la Renaissance (Martin Schongauer, Hans Holbein, Jost Haller, Lucas Cranach) avec notamment la pièce maîtresse du musée Unterlinden : le fabuleux retable d’Issenheim.

Déménagée pendant les travaux avec d’infinies précautions dans une église toute proche, cette œuvre fascinante, même pour le profane, a retrouvé sa place dans la chapelle de l’ancien couvent, parfaitement éclairée. Commandé pour le couvent des Antonins d’Issenheim, situé à une vingtaine de kilomètres de Colmar, le retable d’Issenheim (longtemps attribué à Albrecht Dürer) fut réalisé entre 1512 et 1516 par Mathis Gothard Nithard (dit Grünewald) pour les panneaux peints et Nicolas de Haguenau pour la partie sculptée. D’une grande richesse iconographique autour de la vie du Christ et de celle de saint Antoine l’ermite, patron de la commanderie d’Issenheim, cette œuvre monumentale d’une rare qualité picturale et qui mêle dramaturgie, réalisme morbide, fantastique et maniérisme a inspiré des générations d’artistes, notamment Tal Coat, Adel Abdessemed ou encore Otto Dix, dont le travail autour du retable a fait l’objet d’une exposition au musée Unterlinden, du 8 octobre 2016 au 31 janvier 2017.

Grâce à l’Ackerhof, dénomination de la nouvelle aile qui se fond aux autres bâtiments par son habillage de briques et ses ouvertures en ogives gothiques, le musée peut aujourd’hui mettre en valeur son importante collection d’art moderne (d’Alechinsky à Zack, en passant par Bonnard, Delaunay, Otto Dix, Dubuffet, Mathieu, Poliakoff, Rouault, Soulages, de Staël, Viera da Silva…) dont l’impressionnante tapisserie de près de sept mètres de long, réalisée en 1976 par Jacqueline de La Baume-Dürbach, d’après le célèbre Guernica (1937) de Picasso qui n’autorisera que trois exemplaires de cette œuvre réalisée en onze nuances de laine.

On oubliera vite « Agir, contempler », l’exposition inaugurale présentée du 24 janvier au 20 juin 2016, qui interroge les rapports entre « contemplation » et « action » dans l’art. Une exposition intéressante sur le fond, mais peu lisible dans sa forme et noyée dans l’ancienne piscine comme dans la haute salle d’exposition temporaire dont le toit à deux pentes, la blancheur immaculée et les proportions sont sensés faire écho à la chapelle abritant le retable d’Issenheim. Qu’importe. Ce dernier à lui seul est de taille à séduire les 350 000 visiteurs attendus par an au nouvel Unterlinden, ce phare de la cité de Bartholdi.

Catherine Rigollet (janvier 2016)

Visuels page expo : Vue du Retable d’Issenheim (1512-1516), tempera et huile sur bois de tilleul, Chapelle du musée Unterlinden. D.R – Vue de la salle d’art moderne, Ackerhof © Ruedi Walti. Vue de la place Unterlinden.
Page d’accueil : Lucas Cranach l’Ancien, La Mélancolie, 1532.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Musée Unterlinden
1, rue d’Unterlinden - 68000 Colmar
Toute l’année, 9h-18h
Fermé le mardi
Nocturne les jeudis jusqu’à 20h
Tarif plein : 13€
Tél. +33 (0)3 89 20 15 51
www.musee-unterlinden.com
www.colmar.fr


ACTUALITE 2022 :
La restauration du retable d’Issenheim a bénéficié durant quatre années d’un travail scientifique et historique. Elle s’est achevée fin juin 2022, révélant des couleurs intenses, des détails retrouvés dans les peintures, des cadres qui ont repris leurs nuances chromatiques en faux marbre et a permis d’enrichir la connaissance de l’œuvre.

À voir aussi à Colmar :

 Le musée Bartholdi
30, rue des marchands – Colmar
Ouvert du 1er mars au 31 décembre
Du mercredi au lundi de 10h à 12h et de 14h à 18h.
Fermé le mardi.
Entrée : 5€
www.musee-bartholdi.fr