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Vasarely. Le partage des formes

En redécouvrant l’œuvre protéiforme de Vasarely qui connut son heure de gloire durant les Trente Glorieuses on mesure tout ce qu’il a créé, et qu’on avait oublié. Ses abstractions géométriques aussi rigoureuses que colorées, avec cette forme récurrente de l’ovale évoquant le galet (Belle-Isle, 1946). Ses monumentales toiles optico-cinétiques qui nous perturbent la rétine et l’équilibre à trop les fixer. En noir et blanc d’abord (Vega, 1956), puis éclatantes de polychromie, comme cet Orion MC de 1963 constitué de « gommettes » de toutes les couleurs. Ses damiers déformés, véritables rêveries cosmiques (Vega-Zett 2, 1971) ; autant d’œuvres qui illustrèrent nombre de couvertures d’ouvrages de la collection Tel publiée par Gallimard entre 1976 et 1985.

D’ailleurs, à cette époque, les formes de Vasarely s’affichent alors partout : dans le design et la décoration (service à café), les journaux de mode et les vitrines des magasins, sur les pochettes de disques...Même le triangle noir sur fond jaune du logo de Renault dessiné en 1972 avec Yvaral, c’est lui, tout comme l’étiquette sérigraphiée de la bouteille de champagne Taittinger du millésime 1978. On connait moins ses « intégrations architecturales » comme celle de la salle à manger du siège de la Deutsche Bundesbank à Francfort, en partie reconstituée dans cette grande et belle exposition pensée par les commissaires Michel Gauthier et Arnauld Pierre, et scénographiée par Camille Excoffon.

À la fois chronologique et thématique, le parcours qui réunit 300 œuvres, rappelle combien l’œuvre de ce plasticien né en Hongrie en 1906, naturalisé Français en 1961 et mort à Paris en 1997, s’inscrit dans l’héritage des avant-gardes. Nourri des œuvres de Kandinsky, Gropius, Malevitch, Mondrian et Moholy-Nagy, influencé par le Bauhaus, Vasarely, tout en s’appuyant sur des assistants pour produire ses pièces, n’a cessé d’expérimenter entre art, science et fiction, y compris techniquement avec l’aide d’IBM, multipliant les projets avec l’ambition que les œuvres cinétiques, au-delà de leur aspect esthétique, aient une influence philosophique, sociologique et même économique. « La peinture n’est plus qu’un moyen pour moi. Le but à atteindre, c’est de chercher, de définir et d’intégrer le “phénomène plastique” dans la vie de tous les jours », écrit le plasticien en 1961, imaginant l’utopie d’une « Cité polychrome », encore plus radieuse que celle construite par le Corbusier dix ans plus tôt. Si la production sérielle un peu trop prolifique de Vasarely a pu nuire à la cote de ce plasticien-ingénieur au-delà des années Pompidou, jusqu’à la faire oublier, elle est emblématique des Trente Glorieuses et du progrès technique, et reste toujours aussi puissante, joyeuse et hypnotique.

Cette sortie de l’oubli au Centre Pompidou est une belle occasion pour ceux qui ont vécu les années 60-70 de (re)découvrir Vasarely, et pour une nouvelle génération de le découvrir.

Catherine Rigollet

Visuels : Vasarely, Vega, 1956, Huile sur toile, 130 x 195 cm. Collection particulière, Belgique.
Vasarely, Orion MC, 1963, Acrylique sur bois, 128 x 122 cm. Collection particulière
Vasarely, Vega-Zett 2, 1971, Acrylique sur toile, 160 x 160 cm. Collection particulière
Ensemble d’ouvrages de la collection « Tel » publiée par Gallimard et illustrés par Victor Vasarely du n°1 au n°95, 1976-1985. Collection particulière, Paris (détail).
Victor Vasarely et Yvaral. Salle à manger du siège social de la Deutsche Bundesbank, Francfort-sur-le-Main, 1972. Ensemble de trois installations murales : deux avec disques en Luran sur panneaux en aluminium or et argent ; une avec disques en aluminium sur moquette ; 320 x 1 160 x 780 cm, Kunstsammlung Deutsche Bundesbank (détail).
© Photos l’Agora des Arts, 5 février 2019.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 6 février au 6 mai 2019
Centre Pompidou
Tous les jours, sauf le mardi
De 11h à 21h
Nocturne le jeudi jusqu’à 23h
Tarif plein : 14 € (musée & expos)
Tél. 01 44 78 12 33
www.centrepompidou.fr