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Vladimir Velickovic. Les blessures du monde

Corps nus torturés, grouillement de rats dans d’immenses paysages de fin du monde, molosses prêts à se jeter sur vous, noirs corbeaux hitchcockiens poursuivant sa proie pour lui dévorer le foie tel l’aigle de Prométhée et envahissant l’espace jusqu’à devenir le sujet principal de l’œuvre, la peinture de Vladimir Velickovic est violente, cruelle, et sombre jusqu’au désespoir. « Mais le monde est désespérant », souffle l’artiste de sa voix calme et sourde comme épuisée par tant de souffrance et de révolte jetée sur ses toiles.

Né en 1935, en Yougoslavie (actuelle Serbie) dont il regrette encore la disparition, Vladimir Velickovic est un artiste profondément marqué par l’éclatement de son pays et la guerre. Un thème omniprésent dans son œuvre et auquel il a donné une dimension universelle. Alors il dessine et il peint sans cesse pour dire la souffrance de l’homme, dénoncer sa destinée d’éternelle proie, dans de sombres visions toujours théâtralisées, vertigineuses. Ses œuvres, celles d’un autodidacte, sont d’une qualité plastique rare, d’une intensité émotionnelle et d’une violence qui ne peut laisser personne indifférent.
Velickovic ne s’est jamais retrouvé dans la couleur et il l’a très vite supprimée de son œuvre, à la fin des années 1960, pour passer au monochrome noir, ajoutant ensuite le rouge, « une couleur chaude », dit-il avec un certain sourire, mais qui chez lui ne traduit que le sang et le feu. « Tout ce qui est aujourd’hui dans ma peinture était symboliquement déjà là. Je n’ai pas peur de me répéter, je n’ai pas tout dit ». Dans les années 1990, il retourne ses toiles, pour peindre sans apprêt, laissant le ton bistre du tissu assombrir naturellement les ciels de ses tableaux. Souvent, c’est directement avec la main qu’il étale la matière, avec le même plaisir que lorsqu’il sculpte, laissant couler la peinture pour renforcer la dramaturgie de la scène.

Pétri de références aux grands maîtres (Grünewald, Dürer, Bosch, Goya) et visiblement influencé par Bacon et Berlinde de Bruyckere, Vladimir Velickovic, qui vit à Paris depuis 1966, puise aussi la source de son œuvre expressionniste dans l’histoire contemporaine, les photographies et les images de presse. Mais il continue d’enfermer les corps dans des cadrages serrés, de montrer des chaires blessées, des hommes (il ne représente jamais de femmes préférant travailler sur la musculature masculine) en souffrance. Même ses Christ en croix, référence au retable d’Issenheim de Matthias Grünewald, ont les mains crispées et déformées par la douleur. Velickovic ne nous laisse guère d’espérance et sans doute n’en a-t-il pas.

Pour les 80 ans de Vladimir Velickovic, le musée de l’Hospice Saint-Roch à Issoudun lui consacre une bouleversante rétrospective, de ses premières toiles de 1959 jusqu’à ses derniers dessins de 2015, soit près de 70 œuvres choisies dans son atelier. Une peinture des blessures du monde.

Catherine Rigollet

Visuels page expo : Vladimir Velickovic, Blessure, 2008. Huile sur toile, 210 x 150 cm. Collection privée.
Vladimir Velickovic et Patrice Moreau, conservateur au Musée de l’Hospice Saint-Roch et commissaire de l’exposition. Issoudun, septembre 2015. © L’Agora des Arts.
Visuel page d’accueil : Vladimir Velickovic, Karton, 2010-2012 Technique mixte et collage sur carton, 32 x 29 cm.
Visuel vignette : Vladimir Velickovic, Grünewald, 2004 (détail) – Huile sur toile – 61 x 46 cm.

 Vladimir Velickovic vit à Paris depuis 1966. C’est la Galerie du Dragon qui lui organise sa première exposition personnelle en France, en 1967. Il a enseigné à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris de 1983 à 2000, il est membre de l’Académie des Beaux-Arts.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 25 septembre au 31 décembre 2015
Musée de l’Hospice Saint-Roch, Issoudun (Indre)
Entrée libre et gratuite
Du 1er octobre au 30 décembre :
Du mercredi au dimanche
10h-12h/14h-18h
Fermé lundi et mardi
Tél. 02 54 21 01 76
www.museeissoudun.tv

 

 Outre des expositions d’art contemporain qui ont mis à l’honneur des artistes comme Hartung, Zao Wou-Ki, Alechinsky, le Musée de l’Hospice Saint-Roch présente en permanence des œuvres de Cécile Reims et Fred Deux, la reconstitution à l’identique du salon parisien de Leonor Fini et deux donations exceptionnelles riches d’objets d’arts des cinq continents.
Il possède aussi une intéressante collection d’antiquités régionales, une apothicairerie du XVIIe et une chapelle ornée de deux grands arbres de Jessé, d’une taille exceptionnelle.