Né en 1955 en Afrique du Sud, William Kentridge s’est fait connaître dans les années 1990 avec ses « dessins pour projection » dépeignant la vie quotidienne à l’époque de l’apartheid. Un art à la fois politique, poétique, caustique et percutant. Une exceptionnelle série de 9 films (à l’auditorium) brosse le climat politique et social de Johannesburg à travers Soho et Felix, deux personnages emblématiques. On reste captivé par la force émotionnelle de cette animation image par image, cette succession très cadencée d’effacements et d’additions de traits de fusain, amplifiée par un accompagnement musical très efficace. Une technique qui exacerbe autant les effets dramatiques qu’humoristiques (comme dans la Flûte enchantée). Depuis, l’artiste sud-africain a peaufiné sa méthode de travail et élargi sa thématique pour s’intéresser à d’autres conflits politiques, d’autres modes de représentation (théâtre qu’il a étudié à Paris), d’autres techniques (sculptures, collages, illusions d’optique), navigant librement des uns aux autres. Son installation What will Come (has already come) de 2007 est à ce titre tout à fait remarquable. Elle évoque l’invasion de l’Abyssinie (Ethiopie) par Mussolini en 1935, à l’époque de l’Italie fasciste, à partir d’images déformées qui sont projetées sur une surface plane et se reconstituent dans un miroir cylindrique. Une façon de suggérer le côté cyclique des événements historiques et les distorsions auxquelles ils se prêtent. La dernière œuvre présentée, I am not me, the horse is not mine (2008), s’inspirant de la nouvelle de Gogol, interroge sur l’histoire de l’avant-garde révolutionnaire dans l’art russe, et plus généralement sur la négation des responsabilités.
Quarante œuvres sont présentées au Jeu de Paume, de la fin des années 1980 à nos jours.
Catherine Rigollet