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A Venise, en marge de la 58e Biennale

Pavillons et artistes des Giardini et de l’Arsenale ne doivent pas faire oublier que dans les palazzi et autres lieux de la Sérénissime sont montrés maints projets qui valent le coup que l’on se perde par ponts, campi et fondamente pour les dénicher. Quatre coups de cœur.

The death of James Lee Byars

Une performance devenue installation posthume. Il manque ici le corps de l’artiste lui-même tel qu’il s’était mis en scène en 1994 dans une galerie bruxelloise, le temps d’un soir, alors qu’il était miné par le cancer qui l’emporterait trois ans plus tard. L’antre dorée, ouverte vers l’autel, est là, couverte de feuilles d’or, cristaux Swarovski et plexiglas, ainsi qu’un sarcophage métaphorique tout aussi couvert d’or, ravivant les antinomies vie/mort, présence/absence. Il y manque la touche d’humour du mort-vivant de la performance. En revanche la sonorisation du compositeur libanais Zad Moultaka, diffusée par 16 haut-parleurs, ajoute une touche funèbre autant que sereine et méditative.
 Jusqu’au 24 novembre 2019
Chiesa di Santa Maria della Visitazione
Fondamenta Zattere ai Gesuati, Venise
Ouvert tous les jours, 10h à 18h, sauf le lundi
Entrée libre

Sean Scully : Human

Un lieu exceptionnel pour un artiste inspiré. Se rappelant le songe de Jacob dans la Genèse, “… et voici, une échelle était appuyée sur la terre, et son sommet touchait le ciel…”, l’artiste américain reprend pour une installation (pourrait-on parler ici de sculpture ?) les bandes horizontales qui sont sa marque de fabrique. Opulent Ascension est un empilement, sous la coupole de l’église palladienne, de cadres enveloppés de feutre de couleurs vives, accompagnant le regard du socle de pierre à la lumière de l’oculus, du physique au spirituel. Dans la sacristie et les autres pièces, on retrouvera la série Landline, peintures gestuelles sur aluminium aux bandes horizontales colorées par un pinceau libéré. On pense à Rothko avant de plonger dans ces paysages méditatifs ou terre, mer et ciel s’entremêlent, ou de plonger en soi pour y trouver les strates qui façonnent nos personnalités. La surprise vient à la fin, avec le retour à la figuration de l’artiste : Madonna Triptych, 2018 est composé de trois peintures de l’épouse de l’artiste et de son fils sur une plage des Bahamas, une subversion un peu simpliste du thème sacré de la Madone à l’enfant. On lui préfèrera les quatre vitraux donnant sur le jardin.
 Jusqu’au 13 octobre 2019
Abbazia di San Giorgio Maggiore
Isola di San Giorgio Maggiore, Venise
Du lundi au samedi, de 10h à 18h
Le dimanche, de 12h à 18h (la basilique uniquement)

Dysfunctional

Si, sur le Grand Canal, le Palais Ca’ d’Oro a perdu les ors de sa façade, tous les deux ans la galleria Franchetti qu’il abrite sait trouver des pépites chez les artistes contemporains. On a été séduit par les sculptures légères et lumineuses de Nacho Carbonell ; par l’installation Ocean Memories de Mathieu Lehanneur, qui fige dans un marbre vert du Guatemala, les rides et vaguelettes de la mer ; par l’artiste-designer Maarten Baas, filmé pendant 12h effaçant puis redessinant la grande aiguille d’une horloge pour la mettre à l’heure exacte (Grandfather Clocks) ; par le lustre aux couleurs des plastiques récupérés sur la côte anglaise de Stuart Haygarth (Tide Colour, 2005), un thème pourtant illustré par l’art contemporain jusqu’à l’excès ; ou encore par les sphères iridescentes des Verhoeven Twins (Joep & Jeroen), multipliant et figeant pour l’éternité la bulle éphémère du souffleur de Chardin (Moments of Happiness, 2019).
 Jusqu’au 24 novembre 2019
Ca’ d’Oro
Ouvert tous les jours, sauf le lundi
De 10h à 18h
Entrée payante

Adrian Ghenie : The battle between carnival and feast

Il y a du Bacon dans le coup de pinceau du peintre roumain dont les œuvres, très personnelles, font intervenir le flux de l’Histoire dans son opposition aux événements actuels, autour du thème de l’eau, puisque l’on est à Venise. Neuf toiles récentes sont à voir au second étage du Palazzo Cini, dont The Raft, 2019, où une procession de jambes nues semble marcher sur une mer polluée d’éléments non identifiables, sur fond de ciel orageux. Une fois de plus, on pense aux bateaux de migrants qui sont la honte de notre siècle, un thème récurrent, peut être surexploité. Trois portraits, Untitled, datant de 2018 et 2019, laissent voir un toupet blond qui ne laisse aucun doute sur l’identité du visage fulminant qu’il couronne.
 Jusqu’au 18 novembre 2019
Palazzo Cini Gallery
Campo San Vio, 864
Ouvert tous les jours, sauf le mardi,
De 11h à 19h
Entrée payante

Elisabeth Hopkins

Archives expo en Europe

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Visuels : James Lee Byars, vue de l’installation.
Sean Scully, Opulent Ascension, 2019.
Verhoeven Twins, Moments of Happiness, 2019, (Ca’ d’Oro).
Photos : E.H