Énergique, tourmenté, peuplé de visions hallucinatoires, de plantes exubérantes, de monstres, d’écorchés, de mutilés, de damnés, l’œuvre peint, gravé et sculpté de ce « Jérôme Bosch du XXe siècle » dénonce les atrocités de la seconde guerre mondiale, sans pour autant manquer de couleurs, de causticité et de merveilleux comme les fresques peintes sur les murs de son moulin à Hérouval dans l’Oise.
Très tôt, Miodrag Djuric dit Dado, né en 1933 à Cétinje au Monténégro est confronté à l’horreur de la guerre, puisque la région est occupée par l’armée nazie et par les fascistes italiens. Il raconte qu’en 1944, il a dû passer pendant plusieurs jours devant deux partisans pendus sur la place du village et laissés en état de décomposition. Cet épisode vécu à l’âge de dix ans marquera profondément son œuvre future. Installé en France en 1956, il est remarqué par Jean Dubuffet qui le présente à Daniel Cordier. Celui-ci deviendra alors son principal marchand pendant plusieurs années et participera à la mise en place de la renommée internationale.
L’exposition présentée à l’Abbaye d’Auberive, au cœur du plateau de Langres, en Champagne-Ardennes, réunit plus de 80 œuvres (peintures, dessins, collages, gravures, sculptures) couvrant la carrière de l’artiste, de 1954 à 2000, en particulier trois pièces majeures –et monumentales- de 1975, les triptyques de Narval, de Bowery et de Palikao.
En parallèle à cet hommage à Dado (décédé en 2010 à Pontoise), l’abbaye expose une sélection de ses dernières acquisitions signées Paul Rebeyrolle, Gao Xingjian ou Du Zhenjun. Cette programmation estivale offre l’occasion de découvrir ce lieu fondé en 1135 par Saint Bernard. Toujours occupé, maintes fois restauré, le monument historique classé depuis 2005 est propriété de la famille Volot depuis octobre 2004 qui l’a transformé en centre d’art contemporain afin d’y exposer la collection constituée par Jean-Claude Volot. Près de 2 500 pièces où dominent les artistes singuliers et expressionnistes d’après-guerre dont Gaston Chaissac, Paul Rebeyrolle, Jean Rustin, Lydie Arickx, Stani Nitkowski, Fred Deux ou encore Pierre Bettencourt. Pour cette exposition Dado, à la fois chronologique et transversale, sa fille Alexia Volot, directrice de la programmation, a fait appel à la collection de l’abbaye, mais aussi à la galerie Jaeger Bucher, à la Maison Rouge ainsi qu’à plusieurs collectionneurs.
Catherine Rigollet
Visuel : Dado, La lapine, 1964, huile sur toile, 250 x 121 cm, Fonds de l’abbaye d’Auberive.