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Eduardo Arroyo. Dans les pas des grands maîtres

Transposer le célèbre retable de « L’Adoration de l’Agneau mystique » des frères Van Eyck, chef d’œuvre de la peinture des primitifs flamands exposé à la Cathédrale Saint-Bavon de Gand en Belgique au crayon et le réinterpréter, il fallait oser. Mais Eduardo Arroyo, pionnier de la figuration narrative disparu en 2018 à 81 ans, talentueux touche-à-tout aussi exigeant en peinture, qu’en gravure, céramique, dessin et écriture n’a jamais eu peur de se confronter aux grandes œuvres de l’histoire de l’art.
Il a parodié ou modifié Jeune Nègre tenant un arc, de Hyacinthe Rigaud, Saint Jérôme en prière, école flamande, XVIIe siècle, La Ronde nuit de Rembrandt, mais aussi des œuvres de Gros, David, Goya et Velázquez. Déjà sous le charme du retable d’Issenheim, de Grünewald, à Colmar, puis après avoir touché à Dürer en développant ses gravures dans quelques tableaux, il s’attaque à un nouveau défi : L’Agneau Mystique, « aveuglé » par la virtuosité de l’œuvre. « Ce qui m’intéressait formellement, c’était de transposer le coup de pinceau de Jan Van Eyck à la pointe de mon crayon (…) ». En résulte « un dessin poussé à la limite de l’obsession, à la gomme et au crayon ».
Mais Arroyo ne s’arrête pas à la forme, ni à une vision en noir et blanc, transformant le polyptyque en œuvre contemporaine. Il arme Caïn d’un revolver. Il plonge la Vierge Couronnée dans la lecture d’Ulysse de Joyce et Saint Jean Baptiste dans celle du roman de Stendhal Le rouge et le noir. Dans un paysage au petit point, on reconnaît Mobutu, Franco, Ceausescu, Mao, Pol-Pot, Mussolini, Pinochet, Staline, Castro, Hitler…Une totale métamorphose de l’œuvre, volontiers iconoclaste, qui constitue aussi un concentré de la pensée Arroyenne.

De l’avis d’Arroyo, son Cordero místico n’a rien à voir avec le retable. « Il appartient au genre du livre ancien aux bois gravés, blanc sur lequel le noir dessine », écrit-il en 2009. Le grand polyptyque d’une superficie totale de 30m2 est accompagné d’une série de dessins où s’expriment ses recherches sur la couleur.
L’exposition présente aussi un important diptyque, grande huile sur toile au titre symbolique de Madrid-Paris-Madrid où l’exil de l’artiste, né en Espagne en 1937 et installé à Paris en 1958 pour fuir le franquiste avant de retourner à Madrid deux ans après la mort de Franco, peut se lire en creux.
Accompagnant ces créations, un ensemble de dessins colorés représente des figures historiques de la culture française, peintres, philosophes et écrivains portraiturés par l’artiste passionné de littérature. Sa série de piquants portraits nourris de La Comédie humaine de Balzac est actuellement exposée à la Maison de Balzac à Paris, jusqu’au 16 août.

Catherine Rigollet

Visuels : Eduardo Arroyo, Cordero mistico, dessin, 2008.
Eduardo Arroyo, Madrid-Paris-Madrid, 1986. Huile sur toile, 250 x 200 cm.
Eduardo Arroyo, Marianne, dessin sur papier, 61,4 x 50,7 cm. ©Adagp

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 13 juin au 13 septembre 2020
A cent mètres du centre du monde /
Centre d’art contemporain
3, avenue de Grande Bretagne, 66000 Perpignan
Du mardi au dimanche, de 15h à 19h
Tarif plein : 5€
Tél 04 68 34 14 35