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Gustave Caillebotte, peintre et jardinier

Il aura fallu près d’un siècle pour que Gustave Caillebotte (1848-1894) soit considéré comme un peintre à part entière, un artiste au même titre que ses amis impressionnistes dont il fut un des premiers collectionneurs et mécènes dès l’origine du mouvement.
Sauf pour quelques-uns (expositions de 1951 à Paris, de 1976-1977 à Houston et Brooklyn, de 1984 à Pontoise), ce rentier touche-à-tout, bourgeois passionné de philatélie, de navigation comme architecte naval et skipper, d’horticulture, a sans doute trop longtemps tranché avec l’image de l’artiste absolu, soumis aux affres de l’inspiration et obnubilé par la seule confection de son œuvre.

La rétrospective de 1996 à Londres s’intitulait encore « Gustave Caillebotte, the Unknown Impressionist »… Pourtant, et même si la quantité n’a jamais fait la qualité, Caillebotte peignit 475 tableaux alors qu’il mourut à l’âge de 45 ans ! Monet, dont Caillebotte fut très proche (ce qui explique aussi la raison d’être de l’exposition de Giverny), a d’ailleurs écrit quelques années après sa mort : « S’il avait vécu au lieu de mourir prématurément, il aurait bénéficié du même retour de fortune que nous autres, car il était plein de talent… il avait autant de dons naturels que de conscience et il n’était encore, quand nous l’avons perdu, qu’au début de sa carrière ».

Le musée des impressionnismes de Giverny, dont on a toujours plaisir à fréquenter les lieux inspirés et accueillants, a pris le parti de nous dévoiler un Caillebotte « peintre et jardinier », un Caillebotte tardif pourrait-on dire, celui qui se retire dans sa maison du Petit Gennevilliers (achetée dès 1881 avec son frère Martial) à partir de 1888 entre son atelier, son jardin, sa serre, la Seine et ses bateaux. Certes, l’exposition n’ignore pas, dès sa première salle, le peintre du Paris haussmannien, peintre de la modernité d’une ville en pleine métamorphose. Où l’on remarque déjà ses perspectives singulières, très « photographiques ». À Yerres, où le père de l’artiste a acheté une propriété en 1860, la palette de l’artiste pose son dévolu sur la nature, la campagne et les loisirs nautiques. Des motifs que Caillebotte apprivoise et qui annoncent son inclination artistique future. Les couleurs éclatent dans des cadrages toujours aussi personnels.

Gustave et son frère Martial font construire, après la vente de la propriété d’Yerres, une maison (aujourd’hui disparue) au Petit Gennevilliers face à Argenteuil et proche du Cercle de la voile de Paris. C’est le temps des régates et des courses sur la Seine où Gustave fréquente assidûment Monet, qui s’installe à Giverny en 1883, tous les deux peignant à tour de rôle des motifs similaires dans une émulation amicale.

De Gennevilliers à Étretat, Caillebotte navigue et peint scènes nautiques et maritimes et paysages normands. Mais c’est au Petit Gennevilliers qu’il consacre l’essentiel de son œuvre finale. Ce qui fait sans doute la plus grande originalité de l’exposition de Giverny qui, de surcroît, propose une reconstitution en 3D du jardin et une chronologie croisée et illustrée du Gennevilliers de Caillebotte et du Giverny de Monet. Celui qui a influencé l’autre n’est pas forcément celui qu’on croit… Jamais sans doute ne furent rassemblés autant de tableaux, dont beaucoup proviennent de collections particulières, représentant cette banlieue alors champêtre et surtout ce jardin auquel le peintre, passionné d’horticulture, attache une importance aussi charnelle qu’artistique. On peut considérer son jardin comme une œuvre d’art. Caillebotte se lance d’ailleurs, à la fin de sa vie, dans un grand projet décoratif, une toile peinte panoramique pour la salle à manger de sa maison représentant des marguerites. Inachevé et remisé dans un grenier de la famille Caillebotte, ce Parterre de marguerites fait l’objet d’une opération de mécénat et de financement participatif afin que le musée des impressionnismes puisse l’accueillir dans ses collections.

Renversant certaines idées reçues, cette exposition nous fait redécouvrir l’originalité de Caillebotte à travers son œuvre tardive méconnue. Dans un tourbillon de couleurs et de fleurs !

Jean-Michel Masqué

Visuels : Gustave Caillebotte, Le boulevard vu d’en haut, 1880. Huile sur toile, 65 x 54 cm. Collection particulière. ©Paris Comité Caillebotte.
Linge séchant, Petit Gennevilliers, 1888. Huile sur toile, 54 x 65 cm. Collection particulière. ©Paris Comité Caillebotte.
Les Roses, jardin du Petit Gennevilliers, 1886. Huile sur toile, 89 x 116 cm. Collection particulière. ©Paris Comité Caillebotte.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 25 mars au 3 juillet 2016
Musée des Impressionnistes
99, rue Claude-Monet, Giverny
Tous les jours de 10h à 18h (dernière admission à 17h30)
02 32 51 94 65
www.mdig.fr

 

Dans le cadre du Festival Normandie Impressionniste (16 avril au 26 septembre 2016), www.normandie-impressionniste.fr

 


 L’exposition sera présentée, du 19 juillet au 30 octobre, au Museo Thyssen-Bornemisza de Madrid