Pour le plus grand bonheur des madrilènes, soixante-dix sept œuvres du musée d’Orsay sont présentées à la fondation Mapfre. Cette exposition aborde vingt années de peinture française, de l’impressionnisme des années 1880 aux nouveaux courants picturaux regroupés sous le qualificatif de post-impressionniste.
Elle rappelle d’emblée que la dernière exposition du groupe impressionniste se tint en 1886 chez le marchand Paul Durand-Ruel qui fut l’ardent défenseur de l’art de ces peintres, dès le début du mouvement. Au cours des huit expositions mythiques du groupe, la conception traditionnelle de la peinture aura volé en éclats. Les critiques, comme le public, commencent alors à assimiler le nouveau style impressionniste, ce qui garantit à leurs auteurs le succès.
Honneur à Claude Monet qui, dans un geste d’indépendance, déclencha en 1874, lors de la première exposition du groupe dans l’atelier du photographe Nadar, la révolution picturale de ce qui deviendra l’impressionnisme avec son tableau du port du Havre devenu emblématique : Impression soleil levant (1872 – Musée Marmottan-Monet à Paris). Le parcours de l’exposition commence par ses séries deMeules, Peupliers, Cathédrales de Rouen, Le bassin aux nymphéas et Londres, réflexions sur la représentation d’un même sujet à différents moments de la journée et de saisons. Il s’achève sur les cinq majestueux panneaux d’Édouard Vuillard, Jardins publics. Entre ces deux références, défilent : Renoir sur le thème des baigneuses, le développement du néo-impressionnisme – avec des œuvres de Seurat, Signac ou Pissarro et leur manière de juxtaposer de petites touches de couleurs, le constructivisme de Cézanne (Pommes et oranges posées sur une nappe aux plis architecturés), la fuite de Gauguin et de ses amis à Pont-Aven, la création du mouvement nabi (avec Sérusier, Denis, Bonnard ou Vallotton) ou encore la folie de Van Gogh en Arles. Edgar Degas est représenté avec une seule toile (Danseuses montant un escalier) qui paraît perdue dans la salle des Monet. Dommage !
Et comme à l’écart de l’exposition, telle une vision des « dessous » de Paris que l’on aurait souhaité cacher aux regards des visiteurs, voici le monde de la Parisienne mais aussi celui trop réel... de la misère et des prostituées. Une rotonde expose des œuvres de Jean-Louis Forain, Théophile Alexandre Steinlen ou encore d’Henri de Toulouse-Lautrec avec sa Femme aux gants élégamment brossée dans un camaïeu de violet et de vert, le visage rêveur dissimulé par une voilette, ou sa Clownesse Cha-U-Kao, que l’on voit s’habillant dans sa loge sous l’œil d’un admirateur âgé, dont seule une partie du visage se reflète dans un miroir. Un cadrage insolite qui renforce l’effet d’intimité... ou de voyeurisme.
Gilles Kraemer
Visuel : Henri de Toulouse-Lautrec, Clownesse Cha-U-Kao, 1895. [La payasa Cha-U-Kao] Óleo sobre cartón, 58 x 43 cm. Musée d’Orsay, París. Legado por el conde Isaac de Camondo en 1911. RF 2027. © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski