La maison-atelier de Daubigny à Auvers

Attiré par le plein air, la campagne et la peinture de paysage, Charles-François Daubigny (1817-1878) met en scène la nature dans des tableaux et gravures qui annoncent l’impressionnisme par une grande liberté de la touche. Ce fils de peintres fréquente Barbizon, et en 1857, bien avant Monet (qui lui emprunta peut-être l’idée), se fait aménager un bateau-atelier, le Botin, sur lequel il parcourt la Seine et l’Oise, peignant la navigation, les rives, les lavandières. Il voyage en Italie, en Angleterre, séjourne à Honfleur pour peindre la mer et les falaises, notamment celles de Villerville. Et surtout se passionne pour Auvers-sur-Oise (proche de Valmondois où bébé il fut mis en nourrice). Tout en continuant à mener quai d’Anjou une vie très parisienne, il se rend souvent à Auvers. Lors de ses séjours et jusqu’en 1860, il habite une petite maison de la ruelle des Callepont, près de l’église. Trois pièces trop petites pour toute la famille, mais toutes proches du café de la Station tenu par Partois, et où se réunissent souvent toute la bande : les Daubigny, Corot, Daumier, Oudinot, Geoffroy-Dechaume, Léonide Bourges, ses parents et Rajon (le graveur).

En 1860, il achète un terrain couvert de haricots situé dans les vallées, alors coin perdu entre le parc du château et le domaine des Colombières et s’y fait construire un atelier de huit mètres sur six avec « quelques chambres autour ». Les plans et devis faits par Oudinot doivent être réduits pour des questions d’argent. Le tout est terminé en 1861. Daubigny compte alors beaucoup d’amis et de nombreux élèves. Cette maison va devenir le premier foyer artistique du bourg. Parmi les principaux visiteurs : Harpignies, Dupré (l’ami fidèle qui a son atelier à l’Isle-Adam), Damoye, Charles Jacque, Groisseilliez, Pelouse, Berthe Morisot et sa sœur Edma, et bien d’autres.

Restaurée par les descendants de Daubigny qui en sont toujours propriétaires, la maison-atelier de Daubigny est classée monument historique et ouverte aux visiteurs, depuis 1991. C’est sans doute le seul atelier d’artiste peintre renommé du 19e siècle dont les murs intérieurs ont été décorés par le peintre lui-même, ses enfants et ses amis, les artistes Camille Corot, Honoré Daumier et l’architecte Oudinot. C’est ce qui fait d’ailleurs le principal intérêt et le charme exceptionnel de cette modeste maison. Dans la salle à manger, Daubigny a peint les quatre plus grands panneaux dans un esprit très champêtre avec des lapins, des blés, de la vigne. Le « maître coq » sur la porte est de son fils Charles-Pierre (dit Karl) et Cécile, sa fille, a réalisé les autres décorations. En 1863, pour le 20e anniversaire de celle-ci, son père lui offre un cadeau hors du commun en lui rappelant, sur les murs de sa chambre d’Auvers, les moments heureux de son enfance : les jeux, les jouets, les contes préférés de ses premières lectures d’enfance comme Le Petit chaperon rouge. L’alcôve du lit est un monumental buisson fleuri peuplé de mésanges. Le tout est d’une fraîcheur remarquable et d’une grande poésie. C’est Corot qui a conçu la décoration du grand atelier de Daubigny. 100m2 de murs. Si le décor « des hérons » est de Daubigny, le reste des grands paysages « Souvenirs d’Italie » est une œuvre collective, exécutée pendant les jours de pluie et achevée en 1873. On peut également découvrir, dans l’entrée de la maison, une réplique du Don Quichotte et la mule morte de Honoré Daumier, vendu en 1911 et conservé au musée d’Orsay. Emile Zola évoquera à plusieurs reprises son admiration pour le travail de Daubigny qu’il considère comme un « défricheur », tandis qu’en1890, peu de temps avant son suicide, Vincent Van Gogh qui tient le peintre en grande estime, immortalisera Le jardin de Daubigny, celui de sa troisième maison, achetée en 1876, et qu’il n’aura guère eu le temps d’habiter.

C.R.

Vues de la chambre de Cécile, de la salle à manger et de l’atelier de Daubigny. © Maison-atelier Daubigny.
Photo de Charles François Daubigny, paru en 1878 dans la revue « Paris Portrait » l’année de sa mort en 1878. Photoglyptie Lemercier et Cie. Cliché E. Carjat.
Buste (statue) de Daubigny réalisé en 1906 par Léon Fagel (1851-1913), situé au pied de l’église d’Auvers sur Oise. Photo : © Jean-Pierre Vallée

Infos pratiques

Maison-Atelier Daubigny, « Villa des Vallées »
61, rue Daubigny – 95430 Auvers-sur-Oise
Tél 01 34 48 03 03
Plein tarif : 6 €
Ouvert d’avril à fin octobre
Le week-end
Voir horaires sur site :
www.atelier-daubigny.com

Sur les pas de Daubigny à Auvers :
 Le musée Daubigny (Manoir des Colombières), rue de la Sansonne à Auvers, présente en permanence des tableaux et eaux-fortes du peintre paysagiste et de son fils Karl. www.musee-daubigny.com
 Au pied de l’église d’Auvers, un buste de Daubigny réalisé par Léon Fagel (1851-1913) célèbre sa mémoire (voir visuel).