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Le Pérou avant les Incas

La puissance évocatrice des Incas reste ancrée dans notre imaginaire. Mais cet empire Inca –qui n’a duré qu’une centaine d’années avant sa chute lors de la conquête des Espagnols en 1532- n’aurait pu émerger sans les richesses (l’or notamment) et les découvertes techniques des cultures anciennes (Cupisnique, Mochica, Chimú, Lambayeque…) qui se sont épanouies au nord du Pérou, en bord de mer, au pied des contreforts andins. C’est ce que révèle la passionnante exposition « Le Pérou avant les Incas » au musée du Quai Branly ; une exposition rendue possible grâce aux découvertes archéologiques de ces trente dernières années qui ont ouvert un champ de connaissances inespérées.

Entre mer et désert

Implantées de façon surprenante sur la côte péruvienne, dans l’un des déserts les plus arides du globe, ces sociétés andines avaient déjà, deux mille ans avant notre ère, résolu le problème de l’eau grâce à un système hydraulique perfectionné permettant d’irriguer des vallées. La forme et le décor de leurs poteries témoignent, non seulement de leur grand art de la céramique, mais de la place de cet élément vital qu’est l’eau, et de la diversité de la faune et de la flore qu’elle a favorisée. Même l’anse-goulot des bouteilles, vases et cruches en terre cuite, symbolise par sa forme « d’étrier », une rivière et ses canaux d’irrigation permettant la culture du maïs, des haricots et des courges, de la pomme de terre, du manioc, des arbres fruitiers... Les fouilles archéologiques montrent aussi que la faune marine, et en particulier les poissons et les mollusques, a constitué la base de l’apport en protéines des premiers habitants.

En l’absence d’écriture, l’architecture, la taille et la sophistication des monuments (lieux d’habitat, palais et temples) constituent de précieux indices de la nature du pouvoir. On a trouvé des résidences de l’élite s’étendant sur plus de 5 000m2 et des tombes remplies d’offrandes et d’objets exotiques provenant de lointaines contrées. Dans les temples dédiés aux divinités (divinité de la montagne et divinité marine pour les deux principales) se pratiquaient divers rituels et cérémonies, dont des sacrifices humains, liés au culte de la fertilité agricole et sociale. Comme dans l’ancien temple de Huaca de La Luna, dont les prêtres formaient une élite très puissante, assumant des fonctions religieuses et de dirigeants.

Face à ce pouvoir céleste relayé et contrôlé par les prêtres, le pouvoir terrestre (politique et social) est tenu par des chefs d’armées, ainsi que par des rois et des seigneurs qui ont la haute main sur le système administratif et le recouvrement de l’impôt. Ainsi ce seigneur de Sipán, haute personnalité mochica qui devait régner sur une partie de la vallée de Reque, au milieu du 5e siècle de notre ère. Sa magnifique chambre funéraire découverte en 1987 renfermait couronnes, diadèmes, ornements de nez et colliers en or, argent, cuivre doré et coquillages.

Le pouvoir exercé par les femmes

Plus surprenant est la trace du pouvoir féminin. À leur arrivée sur cette côte nord du Pérou, les espagnols découvrent des villages où l’autorité politique est détenue par des femmes ; certaines assument aussi le rôle de prêtresses. Comme cette dame de Cao Viejo (ci-contre), dont les effets funéraires découverts lors de fouilles en 2004 attestent de ses fonctions de gouverneur et de prêtresse.

Selon Santiago Uceda Castillo, archéologue et directeur du musée Huacas de Moche au Pérou, commissaire de « Le Pérou avant les Incas », cette exposition riche de 258 pièces prêtées par le Pérou, permet de comprendre que l’empire Incas est l’héritier des sociétés pré-Incas. Elle fait aussi découvrir un Pérou du nord et de la côte en dehors des circuits touristiques, loin de Cuzco, et du Machu Picchu et de ses célèbres ruines d’une immense cité inca.

Catherine Rigollet

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 14 novembre 2017 au 1er avril 2018
Musée du Quai Branly
37, quai Branly 75007
Du mardi au dimanche de 11h à 19h
Nocturne jeudi, vendredi et samedi jusqu’à 21h
Fermé le lundi sauf durant les petites vacances scolaires
Plein tarif : 10€ (avec collections permanentes)
Tél. 01 56 61 71 72
www.quaibranly.fr

 

Visuels : Bouteilles à anse-goulot en étrier. Céramique peinte. Décor avec jaguar à gauche (Moche IV, 500-600 ap.J.-C. - Museo Huacas del Valle de Moche, Universidad nacional de Trujillo). Décor avec deux félins à droite (Moche III, 300-450 ap. J.-C. - Paris, musée du quai Branly). © photo L’Agora des Arts.
Bouteille à anse-goulot en étrier en forme de racine de yucca (manioc doux) 100 avant J.-C. - 700 après J.-C. Terre cuite rouge engobée de blanc, 12,7 x 18,8 x 7,4 cm, 385 g. Pérou, Côte Nord. © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain.
Reconstitution en taille réelle de la Dame de Cao. Photo L’Agora des Arts.
Visuel accueil & vignette : Timbale, Huaco-portrait avec turban et cache-cou. Moche III, 300-400 ap. J.-C. – céramique modelée et peinte (18 cm de H). Museo Huacas del Valle de Moche, Universidad nacional de Trujillo.