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Les gisants de Jan Fabre

Lors de 54e Biennale des arts de Venise en 2011, Jan Fabre installa dans la Nuova Scuola grande di Santa Maria della Misericordia, Pietàs. Ces cinq sculptures en marbre blanc posées sur une estrade recouverte de feuilles d’or étaient composées de quatre cerveaux monumentaux et d’une ré-interprétation de l’iconique statue de Michel-Ange avec la Vierge devenant la Mort et Jan Fabre (le Christ) tenant un cerveau dans sa main. Dix amulettes recouvertes d’élytres iridescents de scarabées dorés, l’animal sacré pour les Égyptiens et symbole de la métamorphose chez Jan Fabre, étaient suspendues aux colonnes de ce lieu. L’exposition parisienne clôture le cycle des expositions sur la thématique du cerveau : Anthropologie d’une planète et Pietàs, toutes deux présentées à Venise.

Dans cette méditation sur la vanité de l’existence, cette interrogation de l’après-mort et les liens de l’homme avec la nature, Jan Fabre (né en 1958 à Anvers) l’homme de théâtre, le chorégraphe, le metteur en scène, l’écrivain et le plasticien (ouf !) rend hommage à la neuro-anatomiste américaine Elizabeth Crosby (1918-1983) connue pour ses découvertes sur le système nerveux et au biologiste - zoologiste autrichien Konrad Lorenz (1903-1989) qui étudia le comportement des oies. Ici, pas l’or et le vert lumineux qui accompagnaient l’installation vénitienne, mais le noir dans lequel les deux chambres funéraires de ces personnalités scientifiques du XXe siècle sont plongées. Sculptés pour l’éternité dans le marbre, leurs gisants sont chacun entourés de sept cerveaux - appelés eux aussi gisants -, le chiffre 7 représentant la perfection pour l’artiste. Ici, pas d’élytre de scarabée mais des papillons de marbre aux ailes fines et translucides, symboles de la métamorphose dans l’univers de l’artiste, se posant sur les visages des morts ou quelques cerveaux. Ce n’est plus Jan Fabre qui se met en scène dans ces deux gisants ; il s’efface devant ces deux personnalités qui constituent aussi pour lui un hommage à sa mère et à son père qui travaillait à l’Institut botanique d’Anvers. Si Lorenz est présenté dans un cercueil entrouvert, la tête reposant sur un oreiller constituée d’une masse cérébrale veinée, Crosby, la tête elle aussi posée sur un coussin cervelle, est entièrement recouverte d’un voile arachnéen épousant, telle une seconde peau, toute les parties de son corps nu, y compris son visage. Le temps, celui de l’éternité de ces deux gisants, se trouve confronté à la vie terrestre qui continue autour d’eux. Jan Fabre s’interroge sur le devenir du cerveau après la mort. N’a-t-il pas fait conserver les organes du système nerveux de son père et de sa mère ! N’est-il pas le membre d’une famille dont le plus estimé des enfants fut l’entomologiste Jean-Henri Fabre (1823-1915) ? Comment ne pouvait-il pas être fasciné par la biologie et l’anatomie ? De nombreux insectes gravitent autour des deux gisants et sur les cerveaux, une plante carnivore surgis d’un lobe engloutit une araignée, une abeille butine, une mante religieuse se confond avec une pomme de pin, des arbres poussent d’un cerveau, un papillon quitte son cocon de ver à soie, une fleur s’épanouit. La vie est plus forte que la mort. Tel est le message de Jan.

Gilles Kraemer

Gisant (Le ballet aquatique du cerveau (finale) 2012. H32 x L23 x W27 cm, marbre blanc de Carrare.
Gisant (Hommage à E. C. Crosby), 2012. Détail. Courtesy galerie Daniel Templon. Paris ©Angelos bvba. Photo : Pat Verbruggen

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Jan Fabre. Gisants. Hommage à E.C. Crosby et K.Z. Lorenz
Du 28 février au 20 avril 2013
Galerie Daniel Templon
30, rue Beaubourg et impasse Beaubourg - 75003 Paris
Tél. 01 42 72 14 10
www.danieltemplon.com

 


 Catalogue bilingue français-anglais. 92 pages, 55 illustrations. Textes de Bernard Marcelis, Vincent Huguet et Jo Coucke, nouvelle originale et étonnante de Marie Darrieussecq.
Sur un texte de Stefan Hertmans et de lui-même, Jan Fabre mettra en scène The tragedy of a friendship (méditation sur les relations entre Wagner et Nietsche) au Théâtre de la Ville à Paris, en mai 2013