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Recyclage/Surcyclage. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? ».

Il y a une soixantaine d’années, l’Arte Povera italien lançait un défi à la société de consommation en érigeant en œuvres d’art des assemblages d’objets, de rebut souvent. On ne parlait pas encore de recyclage mais le mot esthétisme en art prenait du plomb dans l’aile.

À voir les accumulations colorées présentées ici, on pourrait penser à un retour à l’Arte Povera. Revenons plutôt au XXIe siècle et découvrons ces œuvres d’imagination, concrétisations d’une prise de conscience de la communauté artistique – c’est dans l’air du temps - des gâchis de notre société consumériste et de leur contribution au massacre de notre planète. Y-a-t-il désir de moralisation du regardeur ? De valorisation du matériau ? Peut-être. Reste que ces “instantanés du cycle continu de production, consommation et rejet”, prennent souvent un tour joyeux, voire humoristique. Pour preuve : l’arrosoir, le jet d’eau factice et le baril de La Source, 1983, d’Étienne Bossut qui renvoient gaiement à la toile éponyme d’Ingres du Musée d’Orsay.

Disposées selon une thématique clairement explicitée dans la documentation, une centaine d’œuvres s’éparpillent sur quatre niveaux dans la villa et dans le jardin. Marcel Duchamp et ses ready-made ne sont pas loin : Bertrand Lavier peint un simple extincteur mural, pendant que Présence Panchounette se moque de Mondrian avec un simple toasteur et deux maniques. John Chamberlain (Wizard, 2009) et César sont là avec leurs compressions métalliques, en canettes d’insecticide pour ce dernier (Compression, 1970) ; Mounir Fatmi, utilisateur de matériaux désuets, volute des câbles d’antenne en cascade et leur redonne vie ; Michelangelo Pistoletto et Pascale Marthine Tayou se partagent des pavés pour les peindre ou les recouvrir de textile et les empiler comme le faisaient les soixante-huitards. Une collaboration pimentée d’une métaphorique pincée de rébellion qui ne convainc pas vraiment, venant de ces deux grands artistes (Dressed bricks and colored stones, 1968-2019).

Avec Forest, créée il y a 10 ans, Suzanne Husky paie hommage à la biodiversité des forêts, au monde enchanté qu’elles pourraient offrir, et au tribut qu’elles paient à la pollution de l’air. On peut s’effarer de voir un piano Erard de la fin du 19e siècle mis au rebut ; il est heureusement récupéré par Stéphane Guiran, et commence une nouvelle vie avec des branches (de bronze) jaillies de sa ceinture (L’humus des jours, 2020).

Votre coup de cœur se portera-t-il aussi sur Boréal, 2019, de Laurent Baude, arpenteur du monde depuis qu’il est enfant ? Cette petite sculpture, alliant trompe de chasse, néon et plexiglas, fleurit en une musique silencieuse sur le mur blanc.
L’Afrique n’est pas oubliée, qui nous est maintenant familière avec Romuald Hazoumé dont les masques bidons renvoient aux masques Yoruba, son ethnie d’origine, ou Tayou, vu plus haut, qui questionne le processus de décolonialité avec Totem Cristal. Grands absents de cette section africaine : les tissages de capsules d’El Anatsui qui auraient eu leur place dans cette exposition fantaisiste et imaginative qui porte néanmoins un message très contemporain.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Étienne Bossut, La Source, 1983. Métal, résine polyester teintée dans la masse, peinture. Collection IAC, Villeurbanne / Rhône-Alpes. Photo E.H.¬
Michelangelo Pistoletto et Pascale Marthine Tayou, Dressed bricks and colored stones, 1968-2019. Vêtements, briques, pierres colorées. Courtesy des artistes et Galleria Continua. Photo E.H.
Stéphane Guiran, L’humus des jours, 2020. Piano Erard 1865 et bronze. Courtesy de l’artiste. Photo E.H.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 20 juin au 1er novembre 2020
Fondation Villa Datris pour la sculpture contemporaine
7, avenue des Quatre Otages
84800 L’Isle-sur-la-Sorgue
Entrée libre
Juillet et août : Tous les jours sauf le mardi, 10-13h et 14-19h. Le dimanche, 10-19h
Septembre et octobre : Du mercredi au samedi, 11h-13h et 14h-18h. Le dimanche, 10h-18h.
www.fondationvilladatris.com