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Supports/Surfaces : les origines, 1966-1970

Deux ans après les turbulences de 1968, l’ARC, Musée d’art moderne de la Ville, présentait une exposition sous le titre de “Supports/Surfaces”. Les douze artistes réunis (1) cherchaient moins à imposer un style nouveau qu’à promouvoir une démarche qui libérerait la peinture de la contrainte du chevalet, remettrait en cause l’importance de l’image, et se livrerait à des techniques neutres, a-poétiques, et surtout pas autobiographiques. Avec pliages, agrafages, froissages et empreintes, leur art visait à atteindre “le degré zéro de la peinture ”prôné quelques temps plus tôt par un quarteron d’artistes, réunis sous le nom éphémère de BMPT (Buren, Mosset, Parmentier et Toroni).

Une démarche à la définition si vaste qu’il est difficile aujourd’hui de trouver d’autre point commun entre les artistes que celui de l’abandon du chevalet (à l’instar des artistes du Land Art américain ou de l’Arte Povera italien). Mais si vaste aussi que les dissensions artistiques, attisées par des prises de position politiques antagonistes, dérivèrent bien vite en dissolution en 1972. L’accrochage nîmois, qui n’est pas sans rappeler celui de l’exposition de 1970 à l’ARC, Musée d’art moderne de la Ville, rend hommage à ces artistes pas toujours connus du grand public.

La première salle est consacrée à leurs premières œuvres. Déjà, ils s’intéressent à l’abstraction américaine qui relèguera bientôt au second rang de la renommée la peinture européenne. Une toile de Viallat dans la lignée du colorfield côtoie celle de Dezeuze lacérant sa toile pour faire émerger des fragments de tissu, ou celle de Buraglio avec des agrafages kaléidoscopiques colorés (Agrafages II, 1966). Toiles et châssis sont encore accrochés au mur. Mais pas pour longtemps car les toiles sans châssis se fixent maintenant à même le mur (Arnal, Viallat), le châssis nu tendu de plastique de Dezeuze s’offre comme un tableau sans objet, sans sujet, et les motifs répétitifs – taches, brûlures, timbres – s’inscrivent sur les toiles de Viallat et Cane alors que Pagès “arrange” des matériaux simples tels que bois, briques, et fragments d’objets industriels pour créer des œuvres tridimensionnelles que l’on hésite à appeler sculptures. Dans un coin, discrète mais innovatrice en diable, la Structure étendoir no. 1 de Noël Dolla, avec son étendage de chiffons, puise dans le quotidien ses composantes. Difficile de se rapprocher plus du degré zéro de la peinture.

Le groupe poursuit sa marche. La peinture libérée du chevalet, l’œuvre doit se libérer du mur, de la contrainte d’une salle. En 1970, on les trouve sur des plages, dans des rues de village avant que les artistes ne les rapportent à l’intérieur pour occuper non plus les surfaces mais les volumes des salles et explorer leur interaction avec l’espace. Toiles et tissages tombent du plafond, les objets s’appuient au mur. L’Échelle de bois souples, 1977 de Dezeuze s’enroule sur elle-même sur le sol. Sur les toiles de Viallat, parfois malmenées par la météo, dansent ses formes “haricot” (No. 25, 1968). Réinventant une fois de plus leur démarche, la teintant de primitivisme, les artistes finissent par revenir aux gestes essentiels de la transformation : teindre, lier, tisser, tresser, voire même revenir au dessin.

Il y a une quelque chose de suranné dans une exposition d’œuvres d’avant-garde qui ne le sont plus. Les artistes de Supports/Surfaces avaient eu l’ambition de changer l’art, son esprit, sa forme et ses réseaux de distribution. L’art contemporain a repris beaucoup de leurs initiatives. Et a contribué à leur effacement. Pas tout à fait pourtant puisque le Centre Pompidou consacre à leur mouvement une salle entière depuis 2001.

Elisabeth Hopkins

(1) André-Pierre Arnal, Vincent Bioulès, Louis Cane, Marc Devade (mort en 1983), Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Toni Grand (mort en 2005), Bernard Pagès, Jean-Pierre Pincemin (mort en 2005), Patrick Saytour, André Valensi (mort en 2001) et Claude Viallat. Viendront se joindre à eux, formellement ou informellement, Pierre Buraglio, Christian Jaccard, Jean-Michel Meurice, Michel Parmentier du groupe BMPT et François Rouan, tous représentés dans l’exposition.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 13 octobre au 31 décembre 2017
PROLONGATION JUSQU’AU 7 JANVIER 2018
Carré d’Art, Musée d’Art Contemporain
Place de la Maison Carrée - 30000 Nîmes
Ouvert de 10h à 18h, du mardi au dimanche
Fermé le 1er novembre et le 25 décembre
Entrée : 5€
www.carreartmusee.com

 

Bernard Pages, Arrangement siphon et bois, 1968, siphon émaillé, bois d’eucalyptus teinté, 38 x 42 x 42 cm. Courtesy Ceysson & Bénétière. Photo François Fernandez. © B. Pagès.
Pierre Buraglio, Agrafage II, 1966, chute de toiles agrafées, 190 x 215 cm. FNAC 32338, Centre National des Arts Plastiques (photo : EH).
André-Pierre Arnal, Sans titre, 1969, froissage, 200 x 200 cm. Collection de l’artiste. © ADAGP, Paris, 2017.