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Tissage - Tressage. Quand la sculpture défile à la Villa Datris

Au pied d’un figuier, sortant du sol comme une étrange plante épiphyte, un réseau de lianes bleues et rouges grimpe à l’assaut du tronc avant de se lover en boule au cœur de l’arbre, tel un nid. Cette sculpture en lin (Le Cœur du figuier, 2018), Aude Franjou (née en 1975) l’a conçue spécialement pour la 8e exposition à la Villa Datris, à L’Isle-sur-la-Sorgue. Sur la façade de cette grande demeure au charme florentin, un entrelacs de lamelles de bambous de huit mètres de long ondule au vent et projette ses ombres filamenteuses jusqu’au soleil couchant (Drôle de trame, 2018). Créée également in-situ, cette sculpture-architecture de Mireille Fulpius (née en 1951) fait aussi partie des cent-six œuvres de 74 artistes contemporains internationaux (dont plusieurs artistes travaillant dans la région), toutes générations confondues, qui sont réunis jusqu’au 1er novembre 2018 dans le cadre de l’exposition « Tissage-Tressage : quand la sculpture défile ».

Dédiée à la sculpture contemporaine, la Villa Datris fondée par Danièle Kapel-Marcovici et Tristan Fourtine (Da-Tris) a choisi en 2018 d’ouvrir un nouvel horizon à la sculpture en explorant ses liens avec le tissage et le tressage. Qu’il s’agisse de matières naturelles ou issues des productions industrielles : laine, soie, coton, ficelle, crin de cheval, osier, liane, voire même le métal, comme cette sculpture-chevelure de Véronique Wirth (née en 1964) constituée de fils d’acier qui semblent soufflés par le vent (Trifilda, 2017). Ou encore l’imposante tenture en fil de cuivre de l’italienne Antonella Zazzera (née en 1976), suspendue dans le jardin et qui brille telle une cote de mailles au soleil (Armonico LXXXV, 2008).

Même si les hommes ne sont pas absents (Josep Grau-Garriga, Fabrice Hyber, Rodrigo Matheus, Faig Ahmed, Nick Cave…), tissage et tressage restent l’apanage des femmes depuis la nuit des Temps. Elles sont donc largement majoritaires dans l’exposition. Pour autant, l’art textile ne rime pas, loin de là, avec soumission. Il peut même être un outil de revendication pour ces Pénélope des Temps Modernes. La femme monumentale de Raymonde Arcier (née en 1939) portant courses, ribambelle de marmots et pomponnée jusqu’aux ongles des doigts de pied est un cri contre la crucifixion de la femme aux tâches ménagères et sexuelles (Au nom du Père, 1975-76). L’ironie mordante d’Annette Messager ne dit pas autre chose et c’est justement avec l’art textile – considéré comme mineur par la culture artistique essentiellement masculine- qu’elle entend être reconnue comme artiste.

L’exposition déroule un fil rouge à travers l’histoire du tissage dans l’art contemporain, entrelace les thèmes, de l’intimité à l’organique, en passant par le politique et l’écologie. À partir des pionnières (Magdalena Abakanowicz, Jagoda Buic…) qui ont renouvelé l’art textile, notamment la tapisserie avec de nouveaux matériaux, la détachant du mur pour lui donner trois dimensions, lui donnant une multitude de formes de plus en plus complexes, signifiantes ou pas, l’élan est donné.
Depuis, Pierrette Bloch pratique l’abstraction et l’épure avec un fil. Marinette Cueco tisse herbes et branches. Avec du coton finement roulé, Simone Pheulpin confectionne des sculptures trompe-l’œil imitant du bois fossilisé ou des concrétions géologiques. El Anatsui réalise de riches tentures en détournant des objets manufacturés usagés. Fabrice Hyber tricote des sculptures-organes (tube digestif, estomac et cerveau). Chiaru Shiota enferme le globe terrestre dans une toile d’araignée, etc. Un défilé de surprises, d’émotions et de coups de cœur.

Catherine Rigollet

Visuels : Véronique Wirth, Trifilda, 2017. Acier, 250 x 110 x 55 cm. Photo L’Agora des Arts. Antonella Zazzera, Armonico LXXXV, 2008. Fil de cuivre. 580 x 130 x 5 cm. Photo L’Agora des Arts. Marinette Cueco, Tondo, 1992. Entrelacs, fibres végétales, diamètre 135 cm. Collection Villa Datris. Photo L’Agora des arts. Simone Pheulpin, Croissance 1, 2007. Coton, épingles. 75 x 90 cm. Collection-privée. Photo©-Apollonia-Robin. Visuel page d’accueil du site : Nick Cave, Soundsuit, 2011. Photo James Prinz.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 19 mai au 1er novembre 2018
Villa Datris
7, avenue des 4 Otages
84800 L’Isle-sur-la-Sorgue
(30 minutes en voiture d’Avignon)
Tél. 04 90 95 23 70
Horaires ouverture sur :
www.fondationvilladatris.com