Vous consultez une archive !

Un été au Havre 2020. Regarder la mer...

Dans la cité océane, l’art se vit d’abord en plein air ; ce qui tombe plutôt bien en cette période perturbée par le Covid-19. Pour sa 4e édition, toujours sous l’égide de Jean Blaise, l’événement « Un Été au Havre » propose sept nouvelles créations inédites qui se découvrent en se baladant dans l’espace public entre ville, plage et port et qui rejoignent la dizaine d’œuvres d’art pérennes issues des trois premières éditions. La plus fameuse étant sans nul doute la gigantesque Catène de containers multicolores créée par Vincent Ganivet sur le quai de Southampton, devenue un nouvel emblème du Havre aux côtés du Volcan d’Oscar Niemeyer.

On retrouve cette année Stephan Balkenhol qui après avoir installé des personnages sur les façades d’Auguste Perret, complète sa galerie de figures en 2020 avec son Monsieur Goéland perché sur la Place du Vieux marché, le regard tourné vers la mer.
Avec L’endroit et l’envers, Rainer Gross symbolise le passage du temps, faisant plus particulièrement référence à la vieille ville d’avant-guerre enterrée ici, et ainsi à l’histoire tragique du Havre. Sa structure linéaire de lattes noircies, qui se déploie sur la façade de l’Hôtel de Ville tout en souplesse telle une « calligraphie dans l’espace », évoque aussi ce rite funéraire qui consistait lors d’un deuil, à couvrir de rideaux noirs les portes des immeubles au début du XXe siècle. À cet arche monumental, œuvre au noir chargée de dramaturgie répond au bout de la rue de Paris, l’arche joyeux de Ganivet. Un beau et symbolique face à face.

En revanche, dans l’église St Joseph bâtie par Perret et magnifiquement éclairée par les 6500 vitraux colorés de Marguerite Huré, la peu inspirée couronne de Lys blancs (fabriqués en Chine) de Claude Lévêque pendant tristement au-dessus du maître-autel fait pâle figure. Surtout lorsqu’on se souvient du monumental et somptueux tourbillon de laine vermeille (Accumulation of power) que Chiharu Shiota avait suspendu à l’intérieur de la tour-lanterne octogonale de 107 mètres, en 2017.

On ne manquera pas de se pencher sur le pont enjambant le bassin du commerce pour regarder flottant sur l’eau la plus modeste, mais très poétique et philosophique œuvre de la toute jeune artiste Alice Beaude. Appelée H20=$, son installation se situe au croisement de la matière, de l’espace (le ciel s’y reflète) et du langage puisqu’on y lit : « Le liquide pour seul réel ». Un titre à double sens, le liquide étant ici l’eau, mais aussi l’argent qui coule et irrigue…comme au Casino juste en face. Au fil de ce parcours d’art contemporain, on passe aussi devant la caravane perchée de Benedetto Bufalino, l’éléphant en équilibre sur un homme de Fabien Mérelle ou encore La Sprite d’Antoine Schmitt, une créature artificielle qui habite et illumine les cheminées de l’usine EDF la nuit. On (re)découvre au passage les œuvres de la collection permanente comme l’arbre tentaculaire d’Henrique Oliveira (Sisyphus casemate, 2019) dans l’ancien fort militaire ou les 500 cabanes de plage colorées par Karel Martens -et repeintes chaque été- et surtout on ne se lasse pas de contempler l’architecture atypique d’Auguste Perret qui osa le béton aux multiples reflets et permit au Havre d’intégrer en 2005 le club très prisé des sites inscrits au patrimoine mondial.

Catherine Rigollet

Visuels : Vincent Ganivet, Catène de containers (2017). Quai de Southampton.
Rainer Gross, L’endroit et l’envers (2020), Hôtel de Ville.
Stephan Balkenhol, Monsieur Goéland (2020). Place du Vieux marché.
Alice Baude, H20=$ (2020), Bassin du commerce.
Courtesy Un été au Havre

Archives expo en France

Visuels de l'artiste